Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2022-5769 AN du 20 janvier 2023, s’est prononcé sur la validité des opérations électorales d’une circonscription législative. Le litige porte sur la sincérité du scrutin au regard de la distribution d’un tract et de diverses irrégularités constatées lors de l’émargement.
Le candidat arrivé en seconde position a formé une requête tendant à l’annulation de l’élection qui s’est tenue les 12 et 19 juin 2022. Il invoquait notamment la diffusion d’un document injurieux le vendredi précédant le second tour ainsi que des discordances dans le décompte des voix.
Saisi le 28 juin 2022, le juge a recueilli les observations de l’autorité administrative ainsi que les mémoires en défense du député élu lors du scrutin. Le requérant soutenait que les manquements aux règles du code électoral devaient entraîner l’annulation du scrutin en raison du faible écart de voix. L’élu concluait au rejet de la requête en faisant valoir l’absence de caractère déterminant des griefs soulevés sur l’issue de la consultation électorale.
La question posée au juge consistait à déterminer si des irrégularités formelles dans les émargements et le décompte des suffrages pouvaient justifier la censure d’un scrutin. Le juge a rectifié les résultats mais a rejeté la requête au motif que le candidat proclamé conservait une avance d’un seul suffrage. La rectification des résultats électoraux face aux irrégularités matérielles précédera l’étude du contrôle rigoureux exercé sur les modalités d’émargement et la sincérité du scrutin.
I. La rectification des résultats électoraux face aux irrégularités matérielles
A. L’appréciation souveraine du caractère polémique des écrits
Le requérant soutenait initialement qu’un tract injurieux et diffamatoire avait été distribué peu avant le scrutin pour influencer indûment le choix des électeurs locaux. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en soulignant que le contenu portait uniquement sur les programmes et « n’excédait nullement les limites de la polémique électorale ». Les juges estiment que la diffusion précoce du document permettait une réponse contradictoire suffisante sans altérer la sincérité globale des opérations de vote. La liberté de communication des candidats prévaut ainsi sur les accusations de manœuvre électorale dès lors qu’aucun élément nouveau n’est apporté tardivement. L’examen des écrits de propagande permet de situer le cadre du litige avant d’aborder la question plus technique du décompte effectif des voix.
B. Le redressement des suffrages lié aux discordances de décompte
L’examen des listes d’émargement a révélé des différences entre le nombre d’enveloppes trouvées dans l’urne et celui des signatures portées sur les procès-verbaux. Le juge électoral doit alors opérer les redressements nécessaires lorsqu’il existe une discordance inexpliquée entre les suffrages exprimés et les documents de contrôle administratif. Certaines erreurs résultaient de simples maladresses matérielles, comme un oubli d’émargement ou une signature apposée par mégarde au mauvais emplacement lors du scrutin. En revanche, plusieurs voix ont été déduites du score du candidat arrivé en tête en raison de différences persistantes et injustifiées dans certains bureaux. Cette mise au point sur la matérialité des résultats ouvre naturellement la voie à une analyse juridique plus approfondie de la validité des émargements.
II. Le contrôle de la régularité des signatures et des modalités de vote
A. L’exigence de la signature personnelle comme garantie de sincérité
La décision rappelle avec force que « seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation ». Cette exigence textuelle, fondée sur le code électoral, assure la protection du scrutin contre les fraudes potentielles et garantit l’identité réelle de chaque votant. Le juge vérifie si les signatures contestées présentent des différences anormales permettant de douter de leur authenticité lors de la comparaison des listes originales. En l’espèce, les témoignages des électeurs confirmant leur présence physique ont suffi à écarter les soupçons de fraude soulevés par le candidat requérant. Une fois le principe de l’authenticité des signatures établi, il convient d’étudier la portée des irrégularités formelles subsistantes sur l’issue finale.
B. L’incidence limitée des omissions formelles sur la validité du scrutin
Le non-respect de certaines formalités relatives au vote par procuration n’entraîne pas nécessairement l’annulation des suffrages si la sincérité du vote n’est pas entachée. Le Conseil a jugé que l’omission du nom du mandataire sur la liste d’émargement ne permettait pas de conclure à l’existence d’un vote irrégulier. Par ailleurs, un bulletin déchiré en son centre a été maintenu nul car cette dégradation matérielle était « susceptible de constituer un signe de reconnaissance ». Malgré ces rectifications successives, le maintien d’une avance d’un seul suffrage a permis de valider l’élection du député sans provoquer une nouvelle consultation.