Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 janvier 2023, la décision n° 2022-5805 AN relative à une requête en contestation des opérations électorales législatives de juin 2022. À la suite du second tour de scrutin, une candidate sollicitait l’annulation des résultats en invoquant diverses irrégularités touchant aux listes d’émargement et au décompte. Saisie le 30 juin 2022, la juridiction a examiné les mémoires en défense et les observations ministérielles avant de statuer sur la validité du mandat contesté. La requérante dénonçait notamment des divergences entre les signatures des deux tours ainsi que des négligences administratives lors de la tenue des bureaux de vote concernés. Le juge électoral devait alors déterminer si ces manquements matériels altéraient la sincérité du scrutin au point de justifier l’annulation pure et simple des opérations électorales. Le Conseil constitutionnel rejette la requête en considérant que les preuves produites demeurent insuffisantes pour remettre en cause l’exactitude des résultats proclamés par l’administration. Cette décision conduit à examiner la rigueur du contrôle des signatures électorales avant d’apprécier la portée mesurée des irrégularités administratives sur la validité du vote.
I. La rigueur du contrôle de la régularité des signatures électorales
L’article L. 62-1 du code électoral dispose que « le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom ». Le juge rappelle que « seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin ». Cette exigence textuelle protège la sincérité des opérations en prévenant les risques de fraude par substitution d’identité lors du passage devant l’urne.
A. L’exigence de la preuve matérielle de l’émargement personnel
La requérante invoquait des différences graphiques entre les émargements pour contester la validité de nombreux suffrages exprimés au sein de la circonscription litigieuse. Cependant, le juge estime que les divergences alléguées s’expliquent souvent par l’usage alternatif du nom patronymique ou du nom d’usage par les électrices mariées. Certaines attestations de votants confirment par ailleurs la réalité de leur participation personnelle, neutralisant ainsi les doutes émis sur l’authenticité des signatures contestées.
B. La présomption de validité des émargements contestés
Le Conseil écarte les griefs relatifs aux ratures dès lors que ces mentions n’empêchent pas de rattacher l’émargement au tour de scrutin correspondant. L’examen des listes originales révèle que les cas d’absence de signature ne concernent pas systématiquement le tour de scrutin dont le résultat est attaqué. L’absence de précision sur l’identité des électeurs concernés par les réclamations affaiblit considérablement la force probante des arguments développés par la candidate évincée.
II. L’appréciation de l’impact des négligences administratives sur le scrutin
Les erreurs matérielles commises par les membres des bureaux de vote ne conduisent pas nécessairement à l’annulation si elles demeurent sans influence réelle. Le juge constitutionnel adopte une approche pragmatique en distinguant les simples maladresses administratives des manœuvres frauduleuses visant à altérer le résultat final.
A. La portée limitée des erreurs matérielles de décompte
Des omissions dans la tenue des listes d’émargement, comme l’absence de signature des membres du bureau, ne suffisent pas à établir un décompte inexact. La circonstance que deux listes distinctes furent utilisées ne fait pas obstacle au recensement des votes si la sincérité globale du dépouillement est préservée. Le retrait d’une voix isolée en raison d’un écart numérique entre les bulletins et les émargements n’affecte pas l’issue d’une élection législative.
B. La protection de la sincérité du scrutin face aux lacunes documentaires
L’accès limité aux listes de procurations ou aux bulletins nuls ne constitue pas une irrégularité automatique privant le candidat de son droit de contestation. Le Conseil souligne que l’annexion des bulletins « n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence » d’altérer le vote. La requérante n’ayant pas prouvé que ces lacunes visaient à porter atteinte à la sincérité du scrutin, ses prétentions finales sont logiquement rejetées par la juridiction.