Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5835 AN du 21 avril 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 20 avril 2023, s’est prononcé sur la conformité des comptes de campagne d’un candidat aux élections législatives. Ce dernier a obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin organisé dans le département du Loiret en juin 2022. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi la juridiction le 18 octobre 2022 après avoir constaté des irrégularités. Le candidat n’a produit aucune observation pour justifier les manquements relevés lors de l’examen de ses documents comptables par les services compétents. Le juge électoral devait décider si l’absence d’expert-comptable et le déficit du compte constituaient des violations justifiant une déclaration d’inéligibilité. Les magistrats ont estimé que ces défauts caractérisent une faute grave entraînant l’impossibilité de se présenter aux élections pendant trois années consécutives. L’étude du sens de cette décision révèle d’abord l’importance des obligations de forme avant d’en apprécier la sévérité.

I. L’affirmation d’une double méconnaissance des impératifs comptables

Le contrôle juridictionnel s’appuie sur une analyse rigoureuse des pièces fournies par le candidat pour retracer l’origine et la destination des fonds électoraux. Les juges rappellent que la transparence financière constitue une condition essentielle de la validité d’une élection au suffrage universel direct.

A. L’absence de certification par un expert-comptable

Le code électoral impose aux candidats dépassant un certain seuil de dépenses de faire certifier leurs comptes par un membre de l’ordre des experts-comptables. Le compte retrace « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Cette formalité assure la sincérité des documents et permet un examen efficace de la provenance des fonds utilisés durant la période législative. Les juges soulignent que le montant des opérations était supérieur à la limite fixée par décret pour bénéficier d’une dispense de cette présentation obligatoire.

B. La présence prohibée d’un solde débiteur

L’article L. 52-12 dispose que le compte de campagne « doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit ». Cette règle fondamentale interdit aux candidats d’engager des dépenses qu’ils ne sont pas en mesure de couvrir par leurs ressources propres. Le candidat a méconnu cette disposition impérative en déposant un document comptable révélant un solde négatif au détriment des principes de saine gestion financière. La conjonction de ces deux erreurs fragilise la validité du financement et empêche la validation du compte par les autorités de régulation indépendantes.

II. La sanction d’un manquement d’une particulière gravité

La constatation de ces irrégularités oblige le juge électoral à tirer les conséquences juridiques prévues par les dispositions organiques relatives à l’éligibilité des candidats. La sévérité de la mesure prononcée répond à la volonté du législateur de garantir l’équité financière entre tous les prétendants au mandat parlementaire.

A. Le caractère inexcusable de l’omission des obligations légales

L’article L.O. 136-1 permet de sanctionner tout « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » par une période d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel vérifie si des circonstances particulières peuvent atténuer la responsabilité de l’intéressé ou justifier le non-respect des formes prescrites. Il ne résulte pas de l’instruction que de tels éléments existaient en l’espèce pour légitimer la méconnaissance flagrante des obligations résultant de la loi. La passivité du candidat durant la procédure contradictoire confirme l’absence de justification sérieuse face aux critiques formulées par la commission de contrôle.

B. La rigueur nécessaire à la probité de la vie politique

La déclaration d’inéligibilité pour une durée de trois ans constitue une mesure de protection de l’ordre public électoral contre les pratiques financières irrégulières. Les juges affirment qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité » pour garantir l’égalité entre les candidats et la transparence de la vie politique nationale. Cette sévérité jurisprudentielle rappelle que la gestion des fonds de campagne ne souffre aucune négligence sous peine de retrait du droit de suffrage passif. La décision s’inscrit dans une volonté constante de moraliser les scrutins législatifs en écartant les prétendants incapables de respecter les normes de financement.

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Hassan KOHEN
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