Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5842 AN du 10 mars 2023

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 9 mars 2023, a statué sur le compte de campagne d’un candidat aux élections législatives de juin 2022. Ce dossier a été transmis au juge par l’autorité administrative de contrôle après le rejet du compte pour une méconnaissance grave du code électoral. Le candidat n’avait pas ouvert le compte bancaire unique requis pour la traçabilité financière, ce qui a entraîné la saisine de la juridiction constitutionnelle. Il appartient au juge de déterminer si cette omission constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une mesure d’inéligibilité pour le mandat législatif. Le Conseil constitutionnel valide le rejet du compte avant de caractériser la gravité de la faute pour fixer la durée de la sanction nécessaire.

I. Le rejet du compte fondé sur l’absence de compte bancaire unique

A. L’exigence de transparence financière du mandataire

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité des opérations financières électorales. Cette obligation garantit la clarté des recettes et des dépenses engagées afin de permettre une vérification sincère par l’autorité administrative de contrôle. Le législateur a souhaité que chaque flux financier soit identifiable pour prévenir toute fraude ou intervention occulte durant la période de la campagne électorale. La présentation du compte par un expert-comptable renforce cette sécurité juridique, sauf pour les candidats ayant obtenu de faibles scores et disposant de petits budgets. La décision du 9 mars 2023 rappelle que cette formalité bancaire est une condition substantielle pour la validation des comptes par le juge.

B. L’automatisme du rejet en l’absence de support bancaire dédié

Le Conseil constitutionnel relève que le candidat n’a pas respecté les dispositions impératives relatives à l’ouverture d’un compte bancaire spécifiquement dédié à son élection. « Il est constant que, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-6, le candidat n’a pas ouvert de compte bancaire unique » lors de cette échéance. Cette carence empêche matériellement le contrôle de la commission administrative, car aucune pièce bancaire ne permet de retracer l’origine et l’utilisation des fonds récoltés. Le juge estime donc que c’est à bon droit que le compte de campagne a été rejeté par l’autorité de contrôle dans sa décision initiale. L’absence totale de compte bancaire constitue une irrégularité insurmontable qui prive la juridiction de tout moyen de vérification sur la sincérité du financement électoral.

II. L’inéligibilité justifiée par la gravité du manquement

A. La base légale de la sanction constitutionnelle

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté de manière régulière. Cette sanction intervient en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement qui régissent les campagnes des députés. Le juge électoral dispose d’un pouvoir d’appréciation pour mesurer si l’irrégularité constatée justifie une mesure privative du droit de se présenter à un futur scrutin. La jurisprudence constitutionnelle considère que le non-respect des formalités bancaires fondamentales porte atteinte à l’ordre public électoral et à la loyauté de la consultation nationale. Cette étape de la réflexion juridique permet d’adapter la réponse pénale ou administrative aux circonstances spécifiques de l’espèce soumise au contrôle du Conseil.

B. La proportionnalité de la mesure d’inéligibilité d’un an

Le Conseil constitutionnel considère que l’omission d’ouvrir un compte unique est une faute grave qui justifie l’application d’une mesure d’inéligibilité pour une période déterminée. « Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée d’un an ». Cette sanction est proportionnée à l’atteinte portée aux principes de transparence financière, même si aucune intention frauduleuse n’est explicitement mentionnée dans les motifs. Le juge fixe le point de départ de cette interdiction à la date de la décision pour écarter le candidat de la vie politique immédiate. Cette fermeté jurisprudentielle assure le respect effectif des obligations comptables par tous les compétiteurs afin de préserver l’égalité devant le suffrage universel et populaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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