Par une décision du 8 juin 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences juridiques du non-respect des délais de dépôt des comptes de campagne électorale. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés lors des élections législatives de juin 2022 était tenu de justifier ses recettes et ses dépenses. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel car le document requis fut transmis après l’expiration du délai légal. Le litige porte sur la qualification de ce retard au regard de l’article L.O. 136-1 du code électoral relatif à l’inéligibilité des candidats. Le juge a considéré que ce manquement ne justifiait pas une sanction d’inéligibilité en raison de l’absence totale d’opérations financières durant la période électorale. Cette analyse conduit à examiner l’obligation de dépôt des comptes avant d’apprécier la portée de la modulation de la sanction par le juge électoral.
I. L’exigence de célérité dans le dépôt du compte de campagne
A. L’obligation légale de transparence financière
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat de retracer, « selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette formalité doit impérativement être accomplie « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » pour permettre un contrôle effectif. La loi organise ainsi la sincérité du scrutin en soumettant les comptes de campagne à une vérification rigoureuse par une autorité administrative indépendante spécialisée. Ce dispositif garantit l’égalité entre les compétiteurs et prévient tout financement occulte susceptible d’altérer la volonté des électeurs lors des opérations de vote nationales. La méconnaissance de ce calendrier constitue un manquement aux règles de financement dont le juge doit impérativement apprécier la réalité factuelle et la gravité.
B. La caractérisation matérielle du dépôt tardif
Dans l’espèce commentée, « le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures » selon les constatations de la juridiction. Le candidat n’a toutefois transmis son dossier que le 20 août 2022, soit un jour après l’échéance fixée par les dispositions du code électoral. Ce retard, bien que bref, caractérise une violation objective des prescriptions législatives encadrant le financement des campagnes électorales pour le renouvellement de l’Assemblée nationale. L’absence de dépôt dans les délais prescrits place théoriquement l’intéressé sous le coup de l’article L.O. 136-1 prévoyant une possible déclaration d’inéligibilité. Il appartient alors au Conseil constitutionnel de rechercher si cette irrégularité formelle présente un degré de gravité suffisant pour justifier l’exclusion du candidat de la vie politique.
II. La proportionnalité de la sanction face à l’absence de préjudice financier
A. La preuve de l’absence d’activité comptable effective
La sévérité du cadre légal est tempérée par l’examen des circonstances concrètes de l’espèce, notamment les pièces justificatives produites par le mandataire financier du candidat. L’intéressé a fourni « une attestation d’absence de dépense et de recette » accompagnée d’un relevé de compte bancaire confirmant la vacuité totale des flux monétaires. Le Conseil constitutionnel relève que ces éléments matériels établissent de manière certaine « l’absence de mouvement sur ce compte » durant toute la durée de la campagne législative. Cette démonstration de l’inexistence de fonds engagés écarte tout risque de fraude électorale ou de dépassement des plafonds légaux de dépenses autorisés par la loi. La transparence financière est ainsi préservée malgré le non-respect du formalisme temporel, ce qui influe directement sur l’appréciation judiciaire de la faute commise.
B. Le rejet d’une inéligibilité pour un manquement purement formel
L’article L.O. 136-1 dispose que le juge peut déclarer l’inéligibilité uniquement en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles. Le Conseil constitutionnel estime ici que « le manquement commis ne justifie pas » le prononcé d’une telle mesure privative de droits au regard du dossier. Le juge refuse de sanctionner par l’inéligibilité un simple retard de transmission dès lors que la sincérité du scrutin n’a pas été compromise par des dépenses. Cette solution consacre une approche proportionnée de la sanction, protégeant ainsi le droit fondamental de se porter candidat contre des rigueurs administratives sans portée concrète. La décision confirme que seule une atteinte réelle à l’ordre public électoral justifie l’exclusion d’un citoyen de la compétition pour un mandat de député.