Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2022-5852 AN du 9 mars 2023, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’une candidate. Cette décision porte sur l’obligation de traçabilité financière imposée par le code électoral à tout candidat dépassant certains seuils de suffrages ou de dons.
À l’issue du scrutin des 12 et 19 juin 2022 dans la circonscription concernée, l’intéressée a été soumise au contrôle de ses comptes de campagne. L’autorité de contrôle des comptes de campagne a décidé de rejeter le compte présenté en raison d’un manquement grave aux obligations de forme.
Elle reprochait l’absence d’ouverture d’un compte bancaire unique par le mandataire financier, malgré les prescriptions impératives de la législation électorale en vigueur dans l’État. La candidate invoquait pour sa défense un refus d’ouverture opposé par un établissement bancaire et l’absence totale de recettes ou de dépenses effectives.
Le Conseil devait ainsi déterminer si l’omission de cette formalité substantielle justifie le rejet automatique du compte et le prononcé d’une mesure d’inéligibilité. Le juge électoral confirme le manquement et rejette les arguments de l’exposante en se fondant sur la lettre stricte de l’article L. 52-6. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la rigueur de l’obligation comptable avant d’envisager la portée de la sanction prononcée par les membres du Conseil.
I. La rigueur de l’obligation d’ouverture d’un compte bancaire dédié
A. Une formalité substantielle au service de la transparence financière
L’article L. 52-6 impose au mandataire d’ouvrir un compte bancaire unique retraçant la totalité des opérations financières réalisées durant la période de la campagne. Le Conseil souligne que ce compte « doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit » selon les termes législatifs. Cette règle garantit que chaque flux financier soit tracé de manière indépendante pour permettre un contrôle efficace par la Commission nationale compétente. L’ouverture de ce compte constitue une formalité substantielle dont le respect ne dépend nullement du volume des transactions effectivement réalisées par le candidat. Le juge rappelle ainsi que le mandataire doit obligatoirement disposer d’un support bancaire spécifique pour agir au nom de la personne candidate. Le caractère impératif de cette obligation de forme limite considérablement les moyens de défense tirés de circonstances extérieures au candidat.
B. L’indifférence des obstacles matériels et de l’absence de flux monétaires
La requérante invoquait pour sa défense le « refus qui aurait été opposé par un établissement bancaire à sa demande d’ouverture d’un compte ». Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en jugeant qu’une telle circonstance n’est pas de nature à faire obstacle à l’application de la loi. Le droit au compte permet de pallier ces difficultés, mais le candidat demeure responsable de l’accomplissement des démarches nécessaires auprès des instances financières. De même, l’attestation « d’absence de dépense et de recette établie par son mandataire financier » est jugée sans incidence sur la caractérisation du manquement légal. La méconnaissance de la règle est constituée dès lors que le support bancaire fait défaut à la clôture définitive des opérations électorales. Ce constat de l’irrégularité formelle conduit logiquement le juge à s’interroger sur la nécessité de prononcer une peine d’inéligibilité.
II. La sanction d’un manquement jugé d’une particulière gravité
A. La qualification juridique d’une faute électorale majeure et caractérisée
Aux termes de l’article L.O. 136-1, le Conseil peut déclarer inéligible le candidat dont le compte a été rejeté en cas de manquement grave. Le juge considère ici que l’absence de compte bancaire présente une « particulière gravité » au regard des règles fondamentales de financement des campagnes. Cette qualification juridique permet d’écarter la simple erreur de bonne foi pour sanctionner l’omission d’une étape structurante du processus de contrôle républicain. La transparence financière est ainsi érigée en principe cardinal dont la violation flagrante ne saurait être tolérée par le juge de l’élection nationale. Par cette décision, le Conseil constitutionnel réaffirme son rôle de gardien de l’égalité entre les candidats et de la sincérité du scrutin. Le constat de cette gravité particulière impose une sanction dont la durée est toutefois laissée à l’appréciation souveraine du juge.
B. La modulation temporelle de la mesure d’inéligibilité au mandat législatif
Considérant l’importance du manquement, le juge prononce l’inéligibilité de l’intéressée à tout mandat pour une durée d’un an à compter de sa décision. Cette sanction demeure limitée dans le temps par rapport au maximum de trois ans prévu par les dispositions du code électoral en vigueur. Le Conseil exerce son pouvoir de modulation en tenant compte des circonstances particulières de l’espèce et de la nature de l’irrégularité comptable. La décision garantit l’effectivité de la règle sans pour autant priver indéfiniment le citoyen de son droit de se porter candidat aux élections. Cette application rigoureuse de la loi organique assure la crédibilité du système de vérification des comptes de campagne au sein de l’ordre juridique.