Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 9 mars 2023, s’est prononcé sur la régularité des comptes de campagne d’une candidate aux élections législatives de juin 2022. La question juridique porte sur les conséquences du non-respect des délais impératifs de dépôt des documents comptables auprès de l’autorité de contrôle.
Une candidate ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés devait déposer son compte de campagne avant le 19 août 2022 à 18 heures. Le dépôt effectif n’est intervenu que le 18 octobre 2022, entraînant une saisine du Conseil constitutionnel par l’autorité administrative le 22 novembre 2022.
La juridiction doit déterminer si ce retard manifeste constitue un manquement d’une particulière gravité susceptible d’entraîner l’inéligibilité de l’intéressée pour une durée déterminée. L’examen de la décision impose d’étudier la constatation d’un manquement formel avant d’analyser la recherche de la gravité nécessaire au prononcé d’une sanction.
**I. La constatation d’un manquement formel aux obligations de dépôt**
**A. L’exigence impérative de célérité dans la reddition des comptes**
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat ayant franchi un seuil de suffrages de justifier de ses recettes et de ses dépenses. Ce compte doit être déposé avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin pour permettre un contrôle efficace par l’autorité chargée de l’examen.
La transparence financière de la vie politique repose sur le respect de ces délais stricts qui garantissent l’égalité entre les candidats lors des opérations électorales. Le législateur soumet les participants à une discipline comptable rigoureuse afin de prévenir toute dissimulation de financements occultes ou de dépassements des plafonds autorisés.
**B. La matérialité caractérisée d’un dépôt hors délai par la candidate**
Dans cette espèce, le délai légal expirait le 19 août 2022 mais la candidate n’a transmis son dossier complet que deux mois après cette échéance. Le Conseil constitutionnel relève sans ambiguïté que les documents ont été produits « après l’expiration de ce délai », confirmant ainsi la réalité de l’infraction.
Le non-respect du calendrier légal constitue une méconnaissance des règles de financement qui appelle normalement une sanction de la part de la juridiction de saisine. La preuve du retard suffit à établir l’irrégularité formelle sans que la candidate ne puisse invoquer une simple négligence matérielle pour s’exonérer totalement.
**II. La recherche de la gravité du manquement pour l’appréciation de la sanction**
**A. Les critères de l’inéligibilité fondés sur la gravité particulière**
L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que le juge peut déclarer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Cette disposition confère au Conseil constitutionnel un pouvoir d’appréciation pour adapter la sanction à la réalité du préjudice porté à l’ordre public.
La jurisprudence exige que le manquement soit délibéré ou qu’il présente une importance telle qu’il fausse la sincérité du scrutin ou le contrôle financier. Une simple irrégularité technique ne saurait conduire systématiquement à l’éviction de la vie publique d’un citoyen sans une analyse concrète des circonstances financières.
**B. L’absence de flux financiers comme motif d’indulgence juridictionnelle**
Le Conseil souligne que la candidate a produit une attestation confirmant que son compte bancaire « n’a connu aucun mouvement » durant toute la période électorale. L’absence de recettes et de dépenses effectives réduit considérablement la portée du retard constaté puisque aucun contrôle de fond ne pouvait être opéré.
Le manquement commis « ne justifie pas » que l’inéligibilité soit prononcée dès lors que la sincérité du financement n’est pas remise en cause par ce délai. Cette décision illustre une application proportionnée de la règle de droit privilégiant la réalité comptable sur le seul formalisme procédural de l’administration.