Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5890 AN du 17 mars 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 16 mars 2023, s’est prononcé sur l’inéligibilité d’un candidat aux élections législatives pour manquement aux règles de financement. À l’issue du scrutin des 12 et 19 juin 2022 dans une circonscription législative, un candidat a tardé à déposer son compte de campagne. Bien qu’ayant bénéficié de dons de personnes physiques, l’intéressé n’a transmis ses documents comptables que le 10 octobre 2022. Le délai légal de dépôt, fixé au 19 août 2022 par l’article L. 52-12 du code électoral, était pourtant dépassé depuis plusieurs semaines. Saisie par l’autorité administrative chargée du contrôle des comptes, la juridiction constitutionnelle devait apprécier la gravité de ce retard manifeste. Le juge devait déterminer si ce non-respect des délais impératifs justifiait une mesure d’inéligibilité malgré l’absence de fraude délibérée ou de dissimulation de recettes. Le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible pour une durée d’un an, en soulignant l’absence de circonstances particulières justifiant cette méconnaissance de la loi. L’analyse portera d’abord sur la rigueur du cadre temporel des comptes de campagne, avant d’envisager la portée de la sanction prononcée.

I. La rigueur du cadre temporel imposé aux comptes de campagne

A. Le caractère impératif du délai de dépôt

L’article L. 52-12 du code électoral impose une discipline stricte aux candidats ayant obtenu des suffrages ou perçu des dons de personnes physiques. Ces derniers doivent établir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection législative. Ce document doit impérativement être déposé avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, soit avant dix-huit heures le 19 août 2022. Cette règle de transparence permet à l’autorité de contrôle de vérifier l’absence de financement occulte ou le respect du plafonnement des dépenses électorales. En l’espèce, le candidat était soumis à cette obligation puisqu’il avait reçu des soutiens financiers de la part de divers donateurs privés. La méconnaissance de ce calendrier constitue un obstacle majeur au contrôle effectif de la sincérité du scrutin par l’organe de vérification compétent.

B. La matérialité du manquement aux obligations comptables

Le juge constate que le dépôt du compte de campagne est intervenu le 10 octobre 2022, soit près de deux mois après l’échéance légale. Le Conseil constitutionnel relève que « le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures ». Ce retard substantiel n’est pas contesté par l’intéressé qui n’a d’ailleurs pas produit d’observations au cours de la procédure contentieuse. Le respect de la date butoir ne constitue pas une simple formalité administrative, mais une condition essentielle de l’égalité entre les candidats aux élections. Un dépôt tardif empêche l’instruction rapide des dossiers et fragilise la stabilité des résultats électoraux proclamés par les commissions de recensement des votes. Cette situation caractérise objectivement un manquement aux dispositions législatives encadrant le financement de la vie politique nationale et locale.

II. La sanction de l’inéligibilité comme garant de l’ordre public électoral

A. L’appréciation de la particulière gravité du manquement

L’article L.O. 136-1 permet au Conseil constitutionnel de prononcer l’inéligibilité en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité. La jurisprudence constitutionnelle apprécie souverainement cette notion de gravité en fonction des justifications apportées par le candidat pour expliquer son retard ou son omission. Ici, la juridiction note qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». L’absence de force majeure ou de difficultés techniques insurmontables conduit alors le juge à retenir la qualification juridique de manquement d’une particulière gravité. La sévérité de cette appréciation repose sur la nécessité d’assurer une discipline collective rigoureuse parmi les prétendants à la représentation nationale. Une telle rigueur est indispensable pour maintenir la confiance des citoyens dans l’intégrité des processus démocratiques.

B. L’exercice du pouvoir de sanction par le juge constitutionnel

Tirant les conséquences juridiques de ce retard injustifié, le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée d’un an. Cette sanction, prévue par le code électoral, vise à écarter temporairement de la vie publique ceux qui négligent les règles fondamentales du scrutin. La décision précise qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». La proportionnalité de la mesure s’apprécie au regard de la durée du retard et de l’absence totale de réponse aux sollicitations de l’administration. En fixant cette durée, le juge constitutionnel rappelle que l’accès aux fonctions électives exige une probité et une rigueur administratives constantes de la part des postulants. Cette fermeté jurisprudentielle assure l’effectivité des règles de financement et prévient toute tentation de contournement des délais imposés par le législateur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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