Le Conseil constitutionnel, par une décision du 16 mars 2023, s’est prononcé sur le contrôle des comptes de campagne consécutif aux élections législatives de juin 2022. Un candidat à la députation, ayant perçu des dons de personnes physiques, était tenu de déposer son compte de campagne au plus tard le 19 août 2022. Ce dernier a toutefois procédé à ce dépôt le 10 octobre 2022, soit bien après l’expiration du délai légal imparti par le code électoral. Saisi par la commission nationale compétente, le juge constitutionnel devait déterminer si ce retard constituait un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction d’inéligibilité. Les sages ont déclaré le candidat inéligible pour une durée d’un an, constatant l’absence de toute circonstance justificative de nature à excuser cette méconnaissance des règles.
I. La caractérisation d’un manquement substantiel aux obligations de financement
A. L’obligation de dépôt du compte de campagne dans les délais légaux
Le code électoral impose une discipline stricte aux candidats afin de garantir la transparence financière et l’égalité des chances entre les différents prétendants au mandat. L’article L. 52-12 dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne ». Cette formalité devient impérative dès lors que le candidat a obtenu 1 % des suffrages ou a bénéficié de dons de la part de personnes physiques. Le compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » auprès de la commission nationale. En l’espèce, le candidat avait bénéficié de soutiens financiers privés, ce qui l’obligeait juridiquement à soumettre ses documents comptables dans le temps imparti. Le respect de ce calendrier constitue une condition essentielle pour permettre le contrôle effectif de la régularité des recettes et des dépenses engagées.
B. L’appréciation souveraine du défaut de justification du retard
Le juge électoral examine systématiquement les raisons avancées par les candidats pour expliquer un éventuel dépassement des délais fixés par la loi organique et ordinaire. Dans cette affaire, la décision souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » de dépôt. Le retard de près de deux mois est ici considéré comme intrinsèquement grave puisque le candidat n’apporte aucun élément concret pour démontrer un cas de force majeure. Le Conseil constitutionnel rappelle que le dépôt tardif fait obstacle à la mission de vérification immédiate incombant à l’autorité administrative chargée du contrôle des comptes. Cette absence totale de justification prive le candidat de toute clémence juridictionnelle face à une règle de procédure dont la clarté ne souffre aucune interprétation divergente. Le manquement ainsi objectivé par le calendrier des opérations électorales appelle alors une sanction dont la nature est strictement encadrée par les textes.
II. Le prononcé de l’inéligibilité comme garantie de la sincérité électorale
A. Le critère de la particulière gravité du manquement constaté
La loi organique permet au juge constitutionnel de moduler sa réponse en fonction de l’intensité de la violation des règles relatives au financement de la vie politique. L’article L.O. 136-1 dispose qu’en cas de « manquement d’une particulière gravité », le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les prescriptions légales. Le Conseil constitutionnel estime que le dépôt hors délai, en l’absence de motif légitime, entre précisément dans cette catégorie de fautes graves prévues par le législateur. La juridiction précise que cette sévérité est nécessaire pour assurer la pleine efficacité des mécanismes de plafonnement et de traçabilité des fonds utilisés durant la période électorale. La notion de particulière gravité s’applique ici non pas à une fraude délibérée, mais à une négligence manifeste qui compromet la surveillance du financement démocratique. Cette qualification juridique permet de lier directement la faute procédurale à la sanction d’inéligibilité, protégeant ainsi l’intégrité future des compétitions pour le suffrage universel.
B. La portée temporelle de la sanction d’inéligibilité
La déclaration d’inéligibilité constitue une mesure de police électorale destinée à écarter temporairement de la vie publique les candidats ayant failli à leurs devoirs de probité. Le dispositif de la décision énonce que l’intéressé est déclaré « inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an ». Cette durée, bien que minimale par rapport au plafond légal, sanctionne de manière effective le non-respect du calendrier sans pour autant paraître disproportionnée. La sanction prend effet « à compter de la présente décision », interdisant ainsi au candidat de se présenter à tout scrutin législatif ou local durant cette période. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante du juge électoral qui refuse de banaliser les retards de dépôt des comptes de campagne. Le Conseil constitutionnel réaffirme par ce biais que la rigueur comptable est le corollaire indispensable de la liberté de candidature dans un État de droit. L’autorité de la chose jugée assure ainsi la clôture définitive du contentieux né de cette élection dans la circonscription concernée.