Le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 mars 2023, une décision relative au contentieux électoral des élections législatives de juin 2022 dans la dixième circonscription de l’Essonne. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés était légalement tenu d’établir et de déposer un compte de campagne auprès de l’autorité compétente. Ce dépôt devait impérativement intervenir avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, conformément aux exigences claires fixées par le code électoral.
Le candidat n’ayant pas respecté cette formalité substantielle, l’autorité de contrôle des comptes de campagne a saisi le juge constitutionnel le 28 novembre 2022. L’organe administratif a sollicité l’application des dispositions organiques prévues en cas de défaut de dépôt du compte de campagne dans les délais prescrits par la loi. La juridiction devait alors déterminer si l’absence totale de présentation du compte justifiait le prononcé d’une inéligibilité à l’encontre du candidat défaillant.
Par sa décision, le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible pour une durée de trois ans en raison de la particulière gravité du manquement comptable constaté. L’examen des obligations comptables pesant sur les candidats précédera l’étude de la sanction sévère prononcée par le juge de l’élection dans cette espèce particulière.
I. L’affirmation de l’obligation de dépôt du compte de campagne
A. Le cadre légal du financement électoral
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat aux élections législatives, sous certaines conditions de score ou de dons, d’établir un compte de campagne complet. Ce document comptable retrace l’ensemble des recettes perçues ainsi que les dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection par le candidat ou ses mandataires. La loi organique impose une transparence stricte afin de garantir l’équité entre les compétiteurs et d’éviter tout financement occulte ou disproportionné durant la période électorale.
B. La caractérisation du manquement matériel
En l’espèce, le candidat avait « obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin » et se trouvait donc soumis à cette obligation de dépôt. Or, le juge constitutionnel relève qu’à l’expiration du délai légal, l’intéressé « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » par les textes. Le constat purement matériel de l’absence de compte suffit à établir la violation grave de la règle de financement des campagnes électorales par le candidat.
L’existence de cette faute comptable certaine conduit le juge à apprécier la nature de la réponse juridictionnelle appropriée au regard de la situation du candidat.
II. La sanction de l’inéligibilité pour manquement grave
A. L’appréciation de la gravité du manquement
L’article L.O. 136-1 permet au Conseil constitutionnel de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte en cas de « manquement d’une particulière gravité » aux règles. Le juge constitutionnel recherche systématiquement si des circonstances exceptionnelles pourraient justifier le défaut de dépôt afin d’écarter ou d’atténuer la sanction normalement encourue par l’intéressé. Il souligne ici qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations légales impératives.
B. La portée de la sanction d’inéligibilité
L’absence totale de dépôt constitue une fraude à la transparence financière, privant l’autorité de contrôle de tout moyen de vérification sur l’origine réelle des fonds utilisés. Le Conseil constitutionnel prononce en conséquence « l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision » rendue publique. Cette fermeté jurisprudentielle assure le respect effectif des règles de financement tout en sanctionnant l’inertie du candidat devant ses obligations civiques les plus élémentaires.