Le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 mars 2023, la décision n° 2022-5904 AN relative au contrôle des opérations électorales. Une candidate s’était présentée dans la première circonscription de Paris sans que son mandataire financier n’ouvre de compte bancaire spécifique. L’autorité administrative de contrôle a procédé au rejet du compte de campagne de l’intéressée le 28 novembre 2022. Saisi le 2 décembre suivant, le juge constitutionnel doit déterminer si ce manquement formel justifie une déclaration d’inéligibilité. L’intéressée invoquait des difficultés bancaires restées sans réponse pour justifier l’absence de compte, mais elle n’apportait aucun élément probant. Le juge a estimé que le rejet était fondé et a prononcé une inéligibilité d’un an à l’encontre de la candidate.
I. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire unique A. Une formalité substantielle au service de la transparence financière L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations ». Cette disposition garantit la traçabilité des fonds et permet un contrôle efficace de l’origine ainsi que de la destination des recettes électorales. Le compte doit être « mis en état d’examen » par un expert-comptable afin de s’assurer de la présence des pièces justificatives requises.
B. L’insuffisance des justifications liées aux obstacles bancaires L’argumentation reposant sur l’inertie des établissements bancaires ne permet pas d’écarter l’application stricte des obligations comptables prévues par le législateur électoral. Les juges soulignent que cette circonstance « n’est corroborée par aucun autre élément de preuve » permettant d’établir la réalité des démarches entreprises. La candidate n’a pas produit de documents attestant de relances ou de recours auprès du médiateur bancaire pour pallier cette absence d’ouverture.
II. La répression constitutionnelle d’un manquement d’une particulière gravité A. La qualification juridique de l’omission du compte bancaire L’absence de compte spécifique constitue une violation directe des règles de financement et empêche la vérification de la sincérité des dépenses engagées. Le juge constitutionnel retient ici la notion de « particulière gravité » pour qualifier l’absence totale de traçabilité des flux financiers de la campagne. Ce manquement prive le contrôle de sa substance même puisque la totalité des opérations financières échappe à la vigilance de l’administration.
B. La proportionnalité de la sanction d’inéligibilité prononcée L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat dont le compte est rejeté en cas de manquement grave aux règles de financement. La durée d’un an reflète une volonté de sanctionner fermement l’ignorance d’une règle fondamentale sans toutefois atteindre le plafond maximal prévu. Cette décision confirme la rigueur constante du juge constitutionnel quant au respect des formalités destinées à prévenir toute opacité financière électorale.