Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5905 AN du 17 mars 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 mars 2023, une décision relative au contrôle du financement des dépenses électorales lors des scrutins législatifs de l’année 2022. Une candidate s’étant présentée dans la huitième circonscription du Rhône a vu son compte de campagne rejeté par l’autorité administrative compétente le 28 novembre 2022. La commission a effectivement constaté l’absence de justification concernant l’ouverture d’un compte bancaire spécifique par le mandataire financier désigné pour l’élection. Saisi le 2 décembre 2022, le juge de l’élection devait déterminer si ce manquement formel justifiait une sanction d’inéligibilité à l’encontre de l’ancienne candidate. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an, soulignant la gravité de l’omission d’une règle législative fondamentale. L’analyse de cette décision suppose d’examiner l’exigence impérative de transparence financière avant d’étudier la sévérité de la sanction prononcée par les juges de la rue de Montpensier.

I. L’exigence impérative de transparence financière dans le financement électoral

A. L’obligation du compte bancaire unique géré par le mandataire

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique retraçant la totalité des opérations financières liées à la campagne. Cette obligation garantit une traçabilité parfaite des flux monétaires et permet un contrôle efficace de la provenance ainsi que de l’usage des fonds électoraux. En l’espèce, la candidate « n’a pas justifié de l’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire financier qu’elle avait désigné » lors du scrutin législatif. Le respect de cette formalité technique constitue une condition de validité indispensable pour l’examen de la régularité du financement par l’autorité administrative de contrôle.

B. La sanction légitime du rejet du compte de campagne

Le juge constitutionnel rappelle que l’absence de compte bancaire dédié prive l’administration de tout moyen de vérification sur la réalité des recettes perçues. Le rejet du compte de campagne devient alors la conséquence nécessaire d’une omission empêchant tout contrôle sérieux de la sincérité des dépenses engagées. L’autorité administrative a donc agi à « bon droit » en écartant un document comptable dépourvu de son support technique et juridique obligatoire. Cette irrégularité manifeste conduit naturellement le juge à apprécier la responsabilité de l’intéressée au regard de la connaissance présumée des règles de droit positif.

II. La répression proportionnée d’un manquement d’une particulière gravité

A. La caractérisation du manquement substantiel aux règles électorales

L’article L.O. 136-1 prévoit l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement » constaté lors de l’examen du compte de campagne. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence de traçabilité bancaire constitue une violation majeure des principes de transparence régissant la vie politique française contemporaine. Ce manquement est jugé substantiel car la candidate « ne pouvait ignorer la portée » d’une règle essentielle au bon fonctionnement du processus démocratique. La juridiction souligne ainsi que la méconnaissance flagrante d’une formalité aussi élémentaire ne saurait être tolérée sans altérer la probité des opérations électorales.

B. L’inéligibilité comme mesure de sauvegarde de la sincérité du scrutin

La déclaration d’inéligibilité pour une durée d’un an constitue une mesure de protection de l’ordre public électoral contre les pratiques opaques de financement. Elle sanctionne une négligence dont la gravité est intrinsèquement liée à la nature même de l’obligation de transparence imposée par le législateur organique. Le juge constitutionnel adapte la durée de cette sanction en tenant compte de l’absence d’observations produites par la candidate durant l’instruction de l’affaire. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à assurer l’égalité des chances entre les prétendants par un contrôle strict des mouvements financiers.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture