Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 24 mars 2023, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’un candidat aux élections législatives. Après le scrutin de juin 2022, l’autorité administrative chargée du contrôle des comptes a rejeté la comptabilité présentée par ce candidat pour des motifs financiers. L’intéressé avait réglé directement plusieurs factures malgré la présence d’un mandataire financier dont le rôle est pourtant exclusif dans le règlement des dépenses électorales. Le litige portait notamment sur une somme de deux mille euros versée par virement bancaire que le candidat souhaitait qualifier de simple garantie financière. L’autorité de contrôle a donc saisi le juge de l’élection afin qu’il statue sur le rejet du compte et sur l’éventuelle inéligibilité du candidat. La question posée consiste à savoir si le règlement direct de dépenses substantielles par le candidat justifie la privation de son droit de se présenter. Les juges confirment le rejet du compte de campagne mais estiment que les manquements constatés ne présentent pas une gravité suffisante pour prononcer l’inéligibilité.
**I. La confirmation du rejet pour méconnaissance des règles de financement direct**
**A. La qualification rigoureuse des dépenses réglées par le candidat**
Le juge constitutionnel fonde son raisonnement sur l’obligation pour le « mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection » sous peine d’irrégularité. Cette règle assure une traçabilité parfaite des flux financiers et permet de vérifier le respect effectif du plafond légal des dépenses de campagne autorisées. Dans cette espèce, le candidat a effectué un virement de deux mille euros dont la nature juridique était contestée par la défense devant le juge. La décision souligne que cette somme constituait non une garantie mais un acompte dès lors qu’elle a été « versée par virement bancaire portant l’intitulé premier acompte ». Cette qualification découle également de l’imputation ultérieure de ce montant sur la facture finale, ce qui démontre le caractère définitif du paiement ainsi réalisé.
**B. L’appréciation stricte du caractère non négligeable des irrégularités**
Si « le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis », cette exception demeure strictement encadrée par une double condition cumulative de montant. Le juge exige que les sommes soient à la fois « faibles par rapport au total des dépenses du compte » et négligeables au regard du plafond légal. Le Conseil constitutionnel relève que les frais réglés directement s’élèvent à plus de deux mille sept cents euros, représentant près de dix-sept pour cent du compte. Ce pourcentage interdit de considérer ces dépenses comme négligeables, justifiant ainsi le rejet définitif de la comptabilité de campagne et la perte du remboursement forfaitaire. Le montant total des dépenses réglées après la désignation du mandataire constitue ainsi un manquement objectif aux dispositions impératives du code électoral.
**II. L’absence de sanction d’inéligibilité malgré l’irrégularité constatée**
**A. L’exigence d’un manquement d’une particulière gravité**
Le juge de l’élection dispose du pouvoir de déclarer inéligible un candidat dont le compte est rejeté en cas de « manquement d’une particulière gravité ». Cette sanction nécessite la démonstration d’une volonté délibérée de fraude ou d’une méconnaissance flagrante des règles essentielles relatives au financement de la vie publique. Le Conseil constitutionnel reconnaît ici le « caractère substantiel de l’obligation méconnue » par le candidat qui a choisi d’ignorer les prérogatives exclusives dévolues à son mandataire. Néanmoins, l’absence d’intention frauduleuse et la transparence relative des opérations financières conduisent la juridiction à écarter cette mesure de bannissement de la scène électorale. Le juge privilégie une approche concrète des faits pour déterminer si la sincérité du scrutin a été réellement altérée par ces paiements directs.
**B. La proportionnalité de la décision au regard du plafond légal**
La décision s’appuie sur une analyse proportionnée des faits en comparant le montant des dépenses irrégulières au plafond global de la circonscription électorale concernée. Les dépenses acquittées directement ne représentent que « 3,8 % du plafond des dépenses autorisées », ce qui limite considérablement l’impact de l’irrégularité sur l’équilibre du scrutin. Le juge estime qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité car le manquement ne porte pas une atteinte irréversible à l’équité entre les compétiteurs. Cette solution préserve les droits civiques du candidat tout en sanctionnant l’erreur de gestion par la suppression totale du remboursement de ses frais par l’État. La sévérité du rejet comptable suffit ici à assurer le respect des principes fondamentaux du droit électoral sans restreindre excessivement la liberté de candidature.