Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5913 AN du 1 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 mai 2023, a tranché le contentieux du financement électoral d’un candidat aux législatives de juin 2022. Le candidat a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés, l’obligeant à déposer un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et dépenses. Ce dernier n’a toutefois pas respecté le délai légal fixé au dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin, soit le 19 août 2022. Un dépôt tardif a été effectué deux mois après l’échéance, accompagné d’une attestation d’absence de mouvement financier sans les relevés bancaires requis. Saisi par la Commission nationale des comptes de campagne, le juge électoral a examiné les pièces produites lors de la phase d’instruction. La question posée au Conseil constitutionnel était de savoir si le dépôt hors délai d’un compte incomplet justifie une déclaration d’inéligibilité. Le juge a retenu que le défaut de justification des dépenses constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant l’inéligibilité de l’intéressé.

I. L’exigence de rigueur dans le dépôt des comptes de campagne

A. Le non-respect du calendrier légal de dépôt

Le juge rappelle que chaque candidat doit établir un compte qui « retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues ». Le dépôt doit impérativement intervenir « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». En l’espèce, le candidat n’a transmis ses documents que le 19 octobre 2022, bien après l’expiration du délai légal impératif. Cette méconnaissance des délais de rigueur altère la capacité de contrôle de l’administration sur la sincérité des opérations financières électorales. La tardivité du dépôt constitue un premier indice de négligence dans la gestion des obligations comptables incombant à tout prétendant.

B. L’absence rédhibitoire de pièces justificatives

L’article L. 52-12 prévoit que le candidat transmette « les relevés du compte bancaire ouvert » en cas de dispense de recours à un expert-comptable. Malgré une mesure d’instruction, l’intéressé n’a pas produit les relevés du compte bancaire ouvert par son mandataire financier pour attester l’absence d’activité. Le Conseil constitutionnel souligne que, par cette omission, le candidat « ne justifie pas n’avoir engagé aucune dépense ni aucune recette ». Ce défaut de justification empêche toute vérification réelle de l’absence de dépassement du plafond des dépenses ou de l’origine des fonds. L’intransigeance du juge sur les preuves documentaires fonde l’appréciation qu’il porte ensuite sur la gravité de la sanction nécessaire.

II. La sanction de l’opacité par le juge électoral

A. La qualification de manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat auteur d’un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes ». Le Conseil constitutionnel juge que le cumul d’un dépôt tardif et d’une carence documentaire caractérise une violation substantielle de la loi électorale. L’impossibilité pour la Commission nationale de contrôler les finances nuit directement à la transparence et à l’égalité entre les différents prétendants. Cette sévérité jurisprudentielle garantit que le contrôle des comptes ne soit pas une simple formalité optionnelle pour les candidats à la députation. L’analyse de la gravité des faits conduit naturellement à l’examen de la mesure restrictive imposée au candidat fautif.

B. La proportionnalité de la déclaration d’inéligibilité

Le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette mesure de police électorale écarte de la vie publique ceux qui méconnaissent les règles nécessaires au fonctionnement démocratique. La durée d’un an reflète une appréciation équilibrée entre la sanction du manquement et le respect du droit fondamental à l’éligibilité. Le dispositif assure l’effectivité des règles de financement tout en limitant la sanction conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité. Le juge confirme ainsi sa volonté de maintenir un contrôle strict sur la probité des acteurs politiques dès le financement électoral.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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