Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5924 AN du 24 mars 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu le 23 mars 2023 une décision relative au contrôle des obligations comptables pesant sur les candidats aux élections législatives. Le litige concernait un candidat ayant concouru dans la troisième circonscription de la Haute-Savoie lors du scrutin organisé les 12 et 19 juin 2022. Ayant franchi le seuil de 1 % des suffrages exprimés, l’intéressé était légalement tenu de retracer l’ensemble de ses recettes et de ses dépenses électorales. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a toutefois constaté l’absence de dépôt du document comptable à l’expiration du délai légal. Elle a donc saisi le juge électoral le 13 décembre 2022 afin qu’il tire les conséquences juridiques de cette omission caractérisée. Le candidat, bien qu’informé de cette saisine, n’a formulé aucune observation pour justifier son manquement aux prescriptions impératives du code électoral. La question posée au Conseil consistait à déterminer si le défaut total de dépôt du compte de campagne justifiait le prononcé d’une inéligibilité. Le juge a considéré que l’absence de circonstances particulières justifiant cette méconnaissance des obligations légales imposait une sanction d’inéligibilité pour une durée de trois ans.

I. Le constat d’un manquement caractérisé aux obligations de transparence électorale

A. Le caractère impératif du dépôt du compte de campagne L’article L. 52-12 du code électoral dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement est tenu d’établir un compte de campagne ». Cette obligation s’applique dès lors que le candidat obtient au moins 1 % des suffrages exprimés ou bénéficie de dons de personnes physiques. Le législateur a entendu garantir la sincérité du scrutin en imposant une traçabilité rigoureuse des fonds utilisés par les prétendants à la représentation nationale. Le compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » auprès de la commission spécialisée. En l’espèce, le candidat avait l’obligation de se soumettre à cette formalité puisqu’il avait atteint le score minimal requis par les textes en vigueur. Son inertie face à cette règle de droit public constitue une violation directe des dispositions visant à prévenir toute fraude financière durant les périodes électorales.

B. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 prévoit l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes ». Le Conseil constitutionnel souligne ici qu’il ne résulte pas de l’instruction que « des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». Le défaut de dépôt est intrinsèquement considéré comme une faute grave car il fait obstacle à tout contrôle effectif de la commission nationale. Cette absence de transparence prive l’autorité de régulation de la possibilité de vérifier le respect du plafond des dépenses et l’origine des recettes. Le juge électoral apprécie souverainement la gravité de l’omission en l’absence de force majeure ou d’aléa technique indépendant de la volonté du candidat. Cette rigueur juridique assure ainsi le respect de l’égalité entre les candidats devant les charges financières inhérentes à la compétition politique démocratique.

II. La sévérité de la sanction garante de la probité de la vie publique

A. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée aux faits Le juge a décidé de déclarer le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la notification de sa décision. Cette sanction est directement fondée sur la nécessité de punir un comportement qui altère la confiance des citoyens dans le fonctionnement des institutions représentatives. La durée retenue correspond à la pratique habituelle du Conseil constitutionnel lorsqu’il est confronté à une absence totale de coopération de la part d’un justiciable. Le dispositif prévoit que cette interdiction de se présenter s’applique immédiatement, empêchant ainsi l’intéressé de solliciter les suffrages des électeurs durant cette période. La sanction revêt un caractère personnel et ne dépend pas du résultat obtenu lors de l’élection puisque le simple manquement formel suffit à la déclencher. La décision rappelle que le respect des délais est une condition substantielle de la validité du processus électoral dans un État de droit.

B. Le renforcement de la portée préventive du contrôle juridictionnel Cette jurisprudence confirme la volonté du juge électoral de maintenir une discipline stricte en matière de financement politique sous peine de sanctions lourdes. En écartant toute excuse non étayée par des pièces probantes, le Conseil constitutionnel adresse un message clair à l’ensemble des futurs candidats aux mandats électifs. La protection de l’ordre public électoral exige que les règles comptables ne soient pas traitées comme de simples formalités administratives dénuées de conséquences juridiques. La publicité de la décision au Journal officiel assure une information complète des citoyens sur l’intégrité requise pour l’exercice de fonctions publiques nationales. La rigueur de cette solution participe à l’assainissement de la vie politique en évinçant temporairement ceux qui ignorent les contraintes légales de transparence. Cette autorité de la chose jugée garantit enfin la pérennité du système de financement public qui repose sur une confiance mutuelle entre l’État et les candidats.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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