Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5930 AN du 24 mars 2023

Par une décision du 23 mars 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur la régularité du financement d’une campagne lors d’élections législatives. Une candidate ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés devait impérativement déposer son compte de campagne avant le 19 août 2022. Les documents comptables n’ont cependant été transmis à la commission de contrôle que le 3 septembre suivant, après l’expiration du délai légal. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge électoral afin de constater cette irrégularité manifeste. Le litige porte sur la qualification juridique du dépôt tardif d’un compte de campagne au regard des exigences de la loi organique. Le Conseil constitutionnel juge que le retard injustifié constitue un manquement grave et prononce une inéligibilité d’une durée d’une année. L’analyse de la rigueur des délais de dépôt précédera l’étude de la portée de la sanction retenue par le juge constitutionnel.

I. L’application stricte des obligations temporelles de dépôt A. Le caractère impératif du délai fixé par le code électoral Le code électoral impose aux candidats de retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Cette obligation de transparence est assortie d’un délai de dépôt rigoureux expirant le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Le juge constitutionnel rappelle que ce compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures » le jour de l’échéance légale. Le respect de cette borne temporelle permet à l’autorité administrative d’exercer son contrôle dans des conditions compatibles avec le calendrier électoral. En l’espèce, le dépôt est intervenu deux semaines après la date butoir sans que la matérialité du retard ne soit contestée. La méconnaissance de cette règle de forme affecte directement la procédure de vérification de la sincérité des comptes de campagne.

B. L’étroitesse des justifications admises par le juge constitutionnel La candidate a soumis des observations au Conseil constitutionnel pour tenter de justifier la transmission tardive de ses documents après la saisine. Le juge vérifie si « des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant de l’article L. 52-12. Cette analyse concrète permet d’écarter les sanctions automatiques lorsque des événements imprévisibles ou insurmontables ont empêché le candidat d’agir. Le Conseil estime ici que l’instruction ne révèle aucun élément probant permettant d’excuser le manquement aux prescriptions impératives de la loi. Le retard est ainsi considéré comme une négligence fautive dont l’intéressée doit assumer les conséquences sur sa capacité à se présenter. L’absence de justification valable conduit inéluctablement à l’application des mesures répressives prévues par les dispositions organiques du code électoral.

II. La sévérité de la sanction face au manquement aux règles de financement A. La qualification de manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte dans les conditions et délais prescrits. Cette sanction intervient en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». La jurisprudence constitutionnelle assimile régulièrement le dépôt tardif injustifié à un manquement présentant une gravité suffisante pour justifier l’éviction électorale. Le juge n’exige pas la preuve d’une intention frauduleuse dès lors que l’irrégularité objective est caractérisée par les faits de la cause. La déclaration d’inéligibilité pour une durée d’un an apparaît donc proportionnée à la méconnaissance d’une règle fondamentale de la vie démocratique. Cette sévérité assure l’effectivité du contrôle exercé sur l’origine et l’utilisation des fonds consacrés à la compétition politique.

B. La protection de la sincérité du scrutin et de l’égalité Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle constante visant à garantir l’égalité entre les candidats et la transparence des opérations électorales. Le prononcé de l’inéligibilité constitue une mesure de protection de l’ordre public électoral destinée à écarter les candidats négligents du jeu institutionnel. En confirmant cette solution, le Conseil constitutionnel rappelle l’importance du respect des procédures comptables pour la légitimité des mandats représentatifs. Cette rigueur garantit que chaque participant se soumet aux mêmes contraintes de transparence sous peine de sanctions affectant son éligibilité future. La publication de la décision assure la pleine information des citoyens sur le respect des règles de probité par les acteurs politiques. Le juge constitutionnel maintient ainsi un équilibre nécessaire entre le droit de se porter candidat et le respect des devoirs citoyens.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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