Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5962 AN du 31 mars 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2022-5962 AN du 30 mars 2023, examine la situation électorale d’une candidate aux élections législatives de juin 2022. L’intéressée a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés mais n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. L’autorité chargée du contrôle des comptes de campagne a saisi le juge constitutionnel le 23 décembre 2022 conformément aux dispositions du code électoral. La candidate invoque l’impossibilité matérielle d’ouvrir un compte bancaire pour justifier l’absence de transmission des documents comptables requis par la législation applicable. Le juge doit déterminer si l’absence totale de dépôt du compte constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une déclaration d’inéligibilité. Il considère que le défaut de dépôt, non justifié par des circonstances particulières, entraîne l’inéligibilité de la candidate pour une durée de trois ans. Il convient d’analyser d’abord la rigueur des obligations comptables pesant sur le candidat (I) puis d’étudier la sévérité de la sanction (II).

I. La rigueur des obligations comptables pesant sur le candidat

A. L’objectivité de l’obligation de dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne régulier. Ce document « retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées ». Le respect des délais de dépôt constitue une formalité substantielle destinée à garantir la transparence financière et l’égalité entre les différents compétiteurs politiques. En l’espèce, la juridiction constate qu’à « l’expiration du délai prévu », la candidate « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue ». Cette omission caractérise une méconnaissance directe des dispositions législatives encadrant le financement des activités électorales sous peine de sanctions juridiques. L’existence d’une obligation légale de dépôt amène à s’interroger sur la validité des justifications présentées par la candidate pour s’en exonérer.

B. L’inefficience des obstacles matériels invoqués par la candidate

La candidate tente de justifier son manquement en faisant valoir « qu’elle n’a pas pu ouvrir de compte bancaire » durant la période de campagne. Le juge constitutionnel rejette fermement cette argumentation en précisant que cette difficulté « n’est, en tout état de cause, pas de nature à justifier » l’omission. L’obligation de dépôt demeure impérative même si le candidat rencontre des obstacles techniques ou administratifs lors de la création de son compte de mandataire. Pourtant, l’instruction ne révèle aucune « circonstance particulière » susceptible d’excuser la candidate du non-respect de ses obligations légales de transparence financière devant l’autorité. La rigueur de la solution souligne la primauté de l’ordre public électoral sur les difficultés personnelles ou matérielles rencontrées par les différents acteurs politiques. Dès lors, la constatation du manquement aux obligations de dépôt permet au juge d’évaluer la gravité de la faute commise par la candidate évincée.

II. La sévérité de la sanction face à une méconnaissance grave de la loi

A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat auteur d’un « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement des campagnes électorales. La jurisprudence apprécie souverainement cette gravité en tenant compte de la nature de l’obligation méconnue et de la volonté de fraude éventuelle. Le défaut total de dépôt du compte de campagne prive l’autorité administrative de tout pouvoir de contrôle sur l’origine et la destination des fonds. Ainsi, le Conseil constitutionnel juge que cette absence de transparence constitue intrinsèquement un manquement sévère aux principes fondamentaux régissant le déroulement loyal des scrutins. La décision retient la « particulière gravité de ce manquement » pour fonder le prononcé d’une sanction lourde affectant durablement la capacité électorale de l’intéressée. La qualification juridique du manquement d’une particulière gravité justifie le prononcé d’une sanction proportionnée aux nécessités de l’ordre public électoral.

B. Les conséquences de l’inéligibilité sur l’exercice des mandats futurs

La sanction consiste ici en une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la décision. Cette période de retrait de la vie politique active sanctionne l’incapacité de la candidate à se conformer aux exigences minimales de la gestion comptable. Le juge veille à la proportionnalité de la mesure en tenant compte de l’absence de circonstances atténuantes et de l’importance de la règle violée. Cette solution assure l’effectivité du contrôle financier et prévient toute impunité face à l’absence de reddition des comptes devant la collectivité et ses institutions. Enfin, l’inéligibilité triennale confirme la volonté du législateur organique de moraliser la vie publique en écartant temporairement les élus négligents ou réfractaires aux contrôles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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