Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5971 AN du 31 mars 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 31 mars 2023, s’est prononcé sur le respect des obligations financières lors des élections législatives de juin 2022. La question portait sur les conséquences juridiques du défaut de dépôt du compte de campagne dans les délais impartis par les dispositions législatives. Un candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés était tenu de justifier l’ensemble de ses recettes et de ses dépenses électorales. L’intéressé n’a toutefois pas transmis son compte à l’autorité compétente avant l’expiration du dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Saisie le 29 décembre 2022, la juridiction constitutionnelle a examiné les observations produites tardivement par le candidat au cours de l’instruction du dossier. Le juge devait déterminer si cette méconnaissance des règles de financement électoral justifiait une déclaration d’inéligibilité sur le fondement de la loi organique. Le Conseil considère que l’absence de dépôt constitue un manquement d’une particulière gravité lorsqu’aucune circonstance particulière ne vient justifier une telle omission. Il prononce en conséquence une inéligibilité pour une durée de trois ans à l’encontre du candidat fautif à compter de la présente décision. L’étude de cette solution suppose d’analyser la caractérisation du manquement grave avant d’envisager la portée de la sanction retenue par le juge.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de dépôt

A. L’exigence de transparence financière en matière électorale

Le droit électoral impose une discipline rigoureuse aux candidats afin de garantir la sincérité du scrutin et l’égalité parfaite entre tous les prétendants. L’article L. 52-12 dispose que chaque candidat soumis au plafonnement est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Cette obligation fondamentale assure le contrôle de l’origine des recettes ainsi que la nature des dépenses engagées pour influencer le choix des électeurs. Le compte doit obligatoirement être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » auprès de la commission. Le respect scrupuleux de ce calendrier est essentiel pour permettre un examen efficace des finances électorales avant la validation définitive de chaque élection.

B. Le constat d’une méconnaissance injustifiée des délais légaux

Dans l’espèce commentée, le candidat n’a déposé aucun document comptable à l’expiration du délai légal malgré un score suffisant pour y être contraint. Bien qu’un compte ait été produit postérieurement à la saisine du juge électoral, cette démarche tardive ne saurait régulariser la situation juridique de l’intéressé. Le juge relève qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant de la loi. L’absence de justification convaincante transforme l’omission matérielle en une faute juridique caractérisée susceptible d’entraîner l’application des sanctions prévues par le code électoral. Cette rigueur manifeste la volonté du juge de ne plus tolérer les négligences administratives qui altèrent la transparence nécessaire à la vie démocratique.

II. La sanction de l’inéligibilité face à l’absence de justification

A. La reconnaissance d’une particulière gravité par le juge électoral

L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel assimile ici le défaut total de dépôt sans justification valable à une violation majeure des obligations de transparence du débat politique. Cette qualification juridique repose sur l’importance fondamentale du contrôle financier dans la légitimité de la désignation des représentants de la Nation française. Le juge affirme que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », la sanction d’inéligibilité doit être appliquée avec toute la fermeté requise. La sévérité de cette appréciation souligne que le respect des délais n’est pas une simple formalité mais une condition substantielle de validité.

B. Une rigueur jurisprudentielle nécessaire à l’ordre public électoral

La décision du 31 mars 2023 confirme une jurisprudence établie visant à protéger l’ordre public électoral contre d’éventuelles dérives financières des candidats. La durée de l’inéligibilité fixée à trois ans marque la réprobation du juge face au silence persistant de l’intéressé durant la phase administrative. Cette solution prévient toute tentative de dissimulation de dépenses excessives sous le couvert d’une simple négligence matérielle lors du dépôt des comptes. Elle rappelle également aux futurs candidats la nécessité d’une gestion comptable vigilante sous peine d’une exclusion prolongée de toute compétition électorale. L’équilibre du système repose sur cette sanction indispensable lorsque l’absence de compte interdit toute vérification réelle de la probité des opérations financières.

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Hassan KOHEN
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