Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 21 janvier 2022, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Ce texte transforme le passe sanitaire en passe vaccinal pour l’accès à de nombreux lieux recevant du public. Plusieurs parlementaires ont saisi la haute juridiction afin de contester ces mesures attentatoires aux libertés fondamentales. Ils invoquent notamment la méconnaissance de la liberté d’aller et de venir ainsi que du droit au respect de la vie privée. Le litige porte sur l’équilibre entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et les libertés individuelles garanties par la Déclaration de 1789. Les juges considèrent que le législateur a opéré une conciliation équilibrée, tout en censurant les restrictions concernant les réunions politiques. La validation du passe vaccinal comme mesure de protection proportionnée précède l’examen du cadre rigoureux des contrôles et de la préservation des libertés démocratiques.

**I. La validation du passe vaccinal comme mesure de protection de la santé proportionnée**

Le juge constitutionnel reconnaît d’abord la légitimité de l’objectif poursuivi par les autorités publiques dans un contexte de crise sanitaire mondiale persistante.

**A. La poursuite d’un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé**

L’institution rappelle que la Nation « garantit à tous… la protection de la santé » en vertu du Préambule de la Constitution de 1946. Cette mission impose au législateur de prendre des mesures efficaces pour limiter la propagation d’un virus dangereux sur le territoire national. Les juges soulignent que les personnes vaccinées présentent des risques de transmission « bien plus faibles que les personnes non vaccinées ». Cette appréciation s’appuie sur les connaissances scientifiques disponibles au moment de l’examen du texte par le Parlement français. Le Conseil refuse de remettre en cause ce choix politique dès lors que les modalités retenues ne sont pas « manifestement inadéquates » aux risques. L’adaptation des mesures sanitaires reste ainsi soumise au contrôle juridictionnel de l’erreur manifeste d’appréciation commise par le législateur.

**B. Une atteinte aux libertés encadrée par des garanties temporelles et matérielles**

Les restrictions imposées par le texte ne peuvent être appliquées que jusqu’au 31 juillet 2022 afin de respecter le principe de nécessité. Le législateur a limité le dispositif aux lieux où l’activité présente, par sa nature même, « un risque particulier de diffusion du virus ». L’accès aux biens et services de première nécessité reste toutefois préservé dans les grands magasins et les centres commerciaux de grande taille. Le Conseil précise que le dispositif ne saurait être regardé comme instaurant « une obligation de vaccination » pour la population générale. Cette interprétation permet de valider le système tout en rappelant le caractère exceptionnel des mesures sanitaires adoptées par le pouvoir. L’encadrement des modalités de vérification par les agents privés constitue le second volet de la protection des droits individuels.

**II. L’encadrement rigoureux des contrôles et la préservation des libertés démocratiques**

L’examen porte ensuite sur les modalités de vérification de l’identité des citoyens et sur l’exclusion de certains domaines de la vie publique.

**A. La limitation des prérogatives de contrôle des acteurs privés**

Les auteurs de la saisine craignaient une délégation inconstitutionnelle de compétences de police administrative à des personnes privées non qualifiées. Le Conseil rejette ce grief en précisant que le contrôle de concordance documentaire ne constitue pas l’exercice d’une force publique. L’exploitant peut demander un document officiel avec photographie s’il existe des « raisons sérieuses de penser » que le passe est frauduleux. Cette faculté est strictement encadrée pour éviter toute forme de discrimination lors de la vérification de l’identité des usagers. Le respect de la vie privée est assuré par l’interdiction de conserver ou de réutiliser les données collectées lors de ces opérations. Cette vigilance s’étend également au domaine politique afin de préserver l’exercice effectif de la citoyenneté durant les périodes électorales.

**B. La censure nécessaire des entraves au droit d’expression collective**

La décision censure les dispositions permettant aux organisateurs de réunions politiques de subordonner l’accès des participants à la présentation d’un justificatif sanitaire. Le juge estime que la liberté d’expression et de communication est « une condition de la démocratie » exigeant une protection renforcée. Le législateur n’avait pas suffisamment précisé les conditions sanitaires justifiant une telle entrave au débat démocratique au sein de la société. Cette absence de garanties législatives suffisantes rend la mesure disproportionnée au regard de l’objectif de protection de la santé publique. Le droit d’expression collective des idées et des opinions prévaut ici sur la volonté de généraliser le contrôle des rassemblements. Le Conseil constitutionnel réaffirme ainsi son rôle de protecteur des libertés fondamentales face à l’extension des pouvoirs de police sanitaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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