Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-836 DC du 10 mars 2022

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2022-836 DC du 10 mars 2022, s’est prononcé sur la conformité de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. L’autorité requérante a saisi la juridiction le 11 février 2022 conformément aux exigences de l’article 46 de la Constitution pour un examen préalable à la promulgation. Le texte soumis opère une refonte structurelle du cadre régissant les finances sociales, introduisant notamment une nouvelle catégorie de lois financières. Le problème juridique réside dans l’adéquation de ces nouvelles règles avec les principes de sincérité et de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Le juge valide la réforme tout en formulant des réserves d’interprétation strictes pour garantir l’effectivité du contrôle parlementaire sur les comptes sociaux. Cette analyse portera sur la rationalisation du cadre budgétaire avant d’étudier les garanties constitutionnelles entourant la procédure législative et le contrôle.

I. La rationalisation du cadre des lois de financement de la sécurité sociale

A. La consécration d’une architecture budgétaire rénovée

L’article 1er de la loi organique modifie substantiellement le code de la sécurité sociale en créant la « loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale ». Cette innovation vise à renforcer la clarté des finances publiques en isolant la phase de constatation des résultats de celle de la prévision. Le Conseil estime que ces dispositions « n’appellent aucune remarque de constitutionnalité » dès lors qu’elles respectent les habilitations prévues par l’article 34 de la Constitution. La structure des lois de financement se trouve ainsi alignée sur le modèle des lois de finances, intégrant désormais un article liminaire obligatoire. Cet article présente l’état des prévisions de recettes et de dépenses pour les exercices concernés, favorisant une lecture globale de la trajectoire financière. La juridiction reconnaît la validité de cette organisation qui clarifie les « conditions générales de l’équilibre financier » pour les administrations de sécurité sociale.

B. L’encadrement des domaines facultatifs et exclusifs

Le législateur organique a précisé le périmètre d’intervention des lois de financement en y incluant des mesures relatives à la dette des établissements de santé. Le juge constitutionnel considère que l’habilitation constitutionnelle permet l’insertion de telles dispositions dans le champ facultatif, sous réserve de leur effet sur l’équilibre financier. L’article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale réserve exclusivement aux lois de financement la création ou la modification de mesures d’exonération de cotisations. Cette exclusivité s’applique aux mesures établies pour une durée supérieure à trois ans ayant un impact notable sur les recettes des régimes obligatoires. Le Conseil valide cette protection du domaine social contre les dispersions législatives qui nuiraient à la cohérence du pilotage des ressources publiques. Ces règles assurent que les décisions ayant un impact structurel sur la sécurité sociale demeurent concentrées au sein d’un vecteur législatif unique.

II. La préservation de l’équilibre institutionnel et de la sincérité

A. La garantie de l’information parlementaire par des réserves d’interprétation

Le Conseil constitutionnel apporte une attention particulière aux documents budgétaires dont la mise en distribution conditionne la qualité du débat parlementaire et la sincérité. Il énonce qu’un retard dans la mise à disposition des rapports ne doit pas systématiquement bloquer la discussion d’un projet de loi. La conformité de la procédure s’apprécie alors au regard des « exigences de la continuité de la vie nationale » et de l’impératif de sincérité. Concernant l’examen du projet annuel, le juge précise que le préalable de l’adoption de la loi d’approbation ne peut constituer un obstacle absolu. Il suffit que le projet de loi d’approbation des comptes ait été « examiné » par les assemblées pour permettre la poursuite de la procédure budgétaire. Cette réserve évite qu’une paralysie législative n’entrave le vote du budget social annuel tout en préservant le droit à l’information des élus.

B. L’encadrement des prérogatives du pouvoir exécutif

La réforme prévoit des mécanismes de réaction rapide en cas de dégradation de la situation financière de la sécurité sociale pendant l’exercice en cours. Le Gouvernement doit adresser un rapport immédiat aux commissions parlementaires dès que les conditions de l’équilibre financier sont remises en cause de manière significative. Le Conseil valide ces dispositions qui prévoient une information renforcée du Parlement sans porter atteinte aux prérogatives constitutionnelles que l’exécutif tient de l’article 20. En cas d’urgence, le relèvement des limites de trésorerie peut être décidé par décret en Conseil d’État après avis des commissions compétentes. Cette souplesse administrative est compensée par une obligation de ratification ultérieure devant le Parlement lors du dépôt du prochain projet de loi de financement. La juridiction assure ainsi une conciliation équilibrée entre la nécessité d’une gestion réactive des crises et le maintien de la souveraineté législative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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