Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022

     Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 20 décembre 2022, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale. Des membres du Parlement ont contesté tant la procédure d’adoption de ce texte budgétaire que la sincérité des prévisions économiques qu’il contenait. La procédure législative a été marquée par l’usage successif et répété du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution devant l’Assemblée nationale. Le juge devait déterminer si cet engagement de responsabilité gouvernementale respectait les prérogatives parlementaires et les exigences de clarté du débat démocratique. Il a validé la méthode employée par le Gouvernement tout en censurant des mesures restreignant le versement d’indemnités journalières lors de téléconsultations médicales. Le Conseil a également écarté de nombreuses dispositions considérées comme des cavaliers sociaux dépourvus d’incidence réelle sur les finances de la sécurité sociale. Cette décision souligne la validation d’une procédure législative contraignante avant d’opérer une censure rigoureuse fondée sur le fond et la forme des mesures.

I. La validation d’une procédure législative contraignante

A. La régularité de l’engagement de la responsabilité gouvernementale

     Le Conseil constitutionnel affirme que l’usage de l’article 49, alinéa 3, n’est soumis à aucune condition autre que celles strictement énumérées par la Constitution. Le Gouvernement pouvait engager sa responsabilité sur des parties successives du texte sans méconnaître les droits fondamentaux des membres élus de l’Assemblée nationale. L’arrêt précise que « l’exercice de la prérogative ainsi conférée au Premier ministre n’est soumis à aucune autre condition que celles posées par ces dispositions ». Cette interprétation littérale du texte constitutionnel permet de concilier l’efficacité de l’action ministérielle avec le respect des procédures organiques relatives aux lois budgétaires. La sincérité des comptes constitue d’ailleurs un impératif fondamental pour le contrôle opéré par le juge sur ces textes financiers.

B. La confirmation de la sincérité des prévisions budgétaires

     Les requérants soutenaient que les prévisions de croissance et de dépenses étaient insincères au regard du contexte économique marqué par une inflation très importante. Le juge rappelle que la sincérité se définit par « l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » financier de la protection sociale. Il estime que les hypothèses de croissance du produit intérieur brut ne sont pas entachées d’une volonté délibérée de tromper les représentants du peuple. Le Conseil valide ainsi les choix macroéconomiques du pouvoir exécutif en soulignant la possibilité de rectifier les trajectoires financières par des lois rectificatives ultérieures. Cette validation procédurale s’accompagne toutefois d’une vigilance accrue sur le contenu matériel des dispositions adoptées par le législateur.

II. La censure rigoureuse d’irrégularités substantielles et formelles

A. La protection constitutionnelle du droit à la santé

     L’article 101 de la loi restreignait indûment le versement d’indemnités journalières pour les arrêts de travail prescrits lors d’une simple téléconsultation médicale à distance. Le juge constitutionnel censure cette disposition en se fondant sur le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatif à la protection de santé. Il souligne que ces mesures « peuvent avoir pour effet de priver l’assuré social » de moyens de subsistance malgré une incapacité physique de travail réelle. Cette protection garantit que la lutte contre la fraude ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des patients en situation de fragilité. Cette rigueur s’étend par ailleurs au respect strict du domaine d’intervention spécifique du législateur en matière de financement social.

B. L’exclusion systématique des cavaliers sociaux

     Le Conseil constitutionnel a censuré de nombreux articles qui n’avaient pas leur place légitime dans une loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Ces dispositions n’avaient qu’un effet trop indirect sur les recettes ou les dépenses des régimes obligatoires de base de la solidarité nationale. Parmi les mesures écartées figurent l’organisation des professions de santé ou la certification des comptes de certains établissements de santé privés à but non lucratif. Cette rigueur formelle préserve le domaine réservé des lois financières et évite l’accumulation de réformes législatives étrangères aux enjeux budgétaires de l’exercice.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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