Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-985 QPC du 1 avril 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 31 mars 2022, une décision relative à la conformité de l’article 609 du code de procédure pénale aux droits et libertés constitutionnels. La disposition contestée règle les modalités de renvoi après une cassation en matière correctionnelle ou de police devant une juridiction de même ordre et degré. Une société et une personne physique ont fait l’objet de poursuites pénales et ont formé un pourvoi en cassation contre une décision de condamnation.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis, par un arrêt du 26 janvier 2022, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les deux parties requérantes. Celles-ci soutenaient que le texte permettait d’aggraver une peine antérieurement prononcée, même si la cassation résultait de leur seul et unique recours devant la haute juridiction. Cette possibilité d’alourdissement de la sanction porterait une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789.

Le problème juridique posé au juge constitutionnel résidait dans l’éventuel effet dissuasif exercé sur le condamné par la perspective d’une aggravation de son sort par les juges. La haute juridiction rejette cette argumentation en affirmant que les dispositions ne limitent pas la faculté de critiquer la décision pénale par un pourvoi. Le Conseil constitutionnel déclare l’article 609 du code de procédure pénale conforme à la Constitution en précisant que le renvoi replace les parties dans leur situation initiale.

L’analyse de cette solution suppose d’étudier la portée du rétablissement de la situation procédurale (I) avant d’apprécier la préservation de l’équilibre des voies de recours effectives (II).

I. L’affirmation du principe de rétablissement de la situation procédurale initiale

A. La neutralité du mécanisme de renvoi après cassation

Le Conseil souligne que l’article 609 n’a « ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour la personne condamnée » d’exercer un recours légitime. La cassation constitue une étape de contrôle du droit ne préjugeant pas du fond de l’affaire lors de l’examen ultérieur par les juges de renvoi. L’annulation replace les parties « dans la situation où elles se trouvaient avant le prononcé de la décision » censurée par la haute juridiction de l’ordre judiciaire. Cette fiction juridique de l’anéantissement de la décision attaquée permet un nouvel examen complet des faits et du droit par une cour d’appel différente.

B. Le maintien de l’office souverain de la juridiction de jugement

La juridiction de renvoi retrouve sa pleine compétence pour apprécier la culpabilité et la peine sous réserve du respect de l’autorité de la chose jugée. Le Conseil rappelle que l’affaire est « à nouveau jugée en fait et en droit » sans que la première condamnation n’impose une limite intangible aux juges. L’article 609 du code de procédure pénale organise ainsi un second examen du fond de l’affaire qui demeure indépendant des motifs ayant conduit à la cassation. La liberté d’appréciation de la juridiction de second degré est nécessaire pour garantir une justice cohérente au regard des éléments débattus lors de la nouvelle audience.

II. La conciliation entre le droit au recours et les pouvoirs du juge de fond

A. L’absence de caractère dissuasif du pourvoi en cassation

Le grief tiré de la violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen se heurte à l’analyse concrète du pourvoi. Le juge affirme que la circonstance qu’une juridiction puisse aggraver la peine « est sans incidence sur l’effectivité du pourvoi en cassation » formé par le condamné. L’accès au juge de cassation demeure ouvert sans condition restrictive et permet d’obtenir l’annulation d’un titre de condamnation qui serait entaché d’une erreur de droit. L’aléa judiciaire lié à la sévérité possible de la juridiction de renvoi ne constitue pas un obstacle juridique insurmontable à l’exercice d’un recours effectif.

B. La sauvegarde de l’effet des appels initiaux du ministère public

La solution s’explique par l’existence d’appels croisés du ministère public et du prévenu lors de la phase initiale de la procédure devant les juges pénaux. La juridiction de renvoi statuant sur ces appels initiaux peut alourdir la sanction car le parquet avait sollicité une aggravation de la peine prononcée initialement. Le condamné ne bénéficie pas d’une immunité contre une peine plus lourde si la cassation intervient sur son seul pourvoi après un appel général. Le Conseil constitutionnel valide cette lecture stricte des règles de procédure pénale qui assure le respect des prétentions exprimées par toutes les parties au procès.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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