Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 mai 2022, une décision relative à l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement concernant les moulins à eau. Cette disposition prévoit que les moulins équipés pour produire de l’électricité ne sont pas soumis aux règles de continuité écologique définies par l’autorité administrative. Une association a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, transmise par le Conseil d’État le 8 mars 2022, invoquant le droit à un environnement équilibré. Le requérant soutenait que cette exemption méconnaissait l’article 1er de la Charte de l’environnement en entravant la migration des poissons et le transport des sédiments. Le juge devait déterminer si l’exemption accordée aux moulins à eau portait une atteinte disproportionnée aux principes de protection de l’environnement garantis par la Constitution. Le Conseil constitutionnel déclare l’article conforme, jugeant que le législateur a poursuivi des motifs d’intérêt général sans priver le droit de ses garanties légales. L’analyse portera sur la conciliation des intérêts énergétiques et écologiques avant d’examiner la portée du contrôle exercé sur le droit à un environnement équilibré.
I. La conciliation opérée entre la production énergétique et les impératifs écologiques
A. La validation de motifs d’intérêt général liés au patrimoine et à l’énergie
Le Conseil constitutionnel souligne que « le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d’énergie hydroélectrique ». Ces objectifs constituent des motifs d’intérêt général justifiant une adaptation des règles relatives à la gestion des sédiments et à la circulation des poissons. Le juge valide ainsi la volonté parlementaire de soutenir les énergies renouvelables tout en protégeant les structures historiques que représentent les anciens moulins à eau. La légitimité de cette mesure repose sur la recherche d’un équilibre entre le développement durable et la sauvegarde de l’héritage architectural des territoires ruraux.
B. L’encadrement strict de l’exemption au regard des nécessités biologiques
L’exemption est circonscrite aux « moulins à eau équipés pour produire de l’électricité et qui existent à la date de publication de la loi ». Le texte ne s’applique pas aux cours d’eau en « très bon état écologique » ou jouant le rôle de « réservoir biologique » essentiel pour la faune. Le juge précise d’ailleurs que la dérogation ne fait pas obstacle à l’obligation de maintenir un « débit minimal garantissant la vie des espèces ». Ces limites garantissent que l’impact sur la continuité écologique demeure mesuré et ne compromet pas l’existence même des écosystèmes aquatiques sur le territoire national.
II. La préservation de l’effectivité du droit à un environnement équilibré
A. Le contrôle de la non-privation de garanties légales constitutionnelles
Le Conseil rappelle que le législateur ne peut « priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Il exerce ici un contrôle de proportionnalité classique en vérifiant que les limitations apportées sont liées à des exigences constitutionnelles ou à l’intérêt général. Le juge constitutionnel estime que les dispositions contestées n’entraînent pas un recul excessif de la protection environnementale au regard des bénéfices énergétiques attendus. Cette approche confirme que le droit à l’environnement peut faire l’objet de restrictions s’il existe une justification suffisante et des mesures d’encadrement adéquates.
B. La portée limitée de la dérogation aux règles de continuité écologique
La décision confirme la conformité de l’article L. 214-18-1 en soulignant qu’il ne concerne qu’une catégorie précise d’ouvrages hydrauliques déjà installés sur les rivières. En validant ce dispositif, le Conseil refuse d’étendre la protection de la continuité écologique au point d’empêcher toute exploitation hydroélectrique des moulins existants. La portée de cet arrêt réside dans l’équilibre trouvé entre la transition énergétique et la préservation de la biodiversité sans sacrifier le patrimoine rural. Le juge clôt ainsi le débat sur l’inégalité de traitement en affirmant que la distinction entre ouvrages est fondée sur des critères parfaitement objectifs.