Par une décision du 31 mars 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur la constitutionnalité des dispositions régissant l’isolement et la contention en milieu psychiatrique. Ces mesures s’appliquent aux patients admis en hospitalisation complète sans consentement afin de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour eux-mêmes ou pour autrui. En l’espèce, des individus placés sous de telles contraintes ont contesté l’absence de notification immédiate de leur droit de saisir un magistrat. La Cour de cassation a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil par des arrêts rendus le 26 janvier 2023. Les requérants soutenaient que le défaut d’information sur les recours possibles et l’assistance d’un avocat méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif. Il convenait de déterminer si l’absence de notification systématique de ses droits au patient, dès le début de la mesure, portait atteinte à la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution, jugeant que l’arsenal procédural existant garantissait une protection suffisante des droits fondamentaux.
I. L’affirmation de l’effectivité des garanties juridictionnelles
A. La préservation du droit au recours par les voies de droit commun
Le Conseil constitutionnel rappelle que le patient peut saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée. Cette faculté, prévue à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, permet une contestation immédiate de la mesure de privation de liberté. Les Sages estiment que l’absence d’information spécifique au début de l’isolement ne fait pas obstacle à l’exercice effectif de ce recours juridictionnel.
La décision souligne également l’existence d’une action en responsabilité permettant d’obtenir réparation pour tout préjudice résultant d’un placement irrégulier ou de conditions d’exécution inappropriées. Le juge énonce que les dispositions « ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes, le droit à un recours juridictionnel effectif ». Cette approche pragmatique privilégie la disponibilité globale des recours sur l’exigence d’une formalité d’information préalable et immédiate.
B. La distinction entre mesures de sûreté et sanctions punitives
L’argument relatif à la méconnaissance des droits de la défense est écarté en raison de la nature purement préventive des mesures de contention. Le Conseil précise que ces mesures « ont uniquement pour objet de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui ». Elles ne constituent donc pas une sanction ayant le caractère d’une punition, ce qui exclut l’application stricte des garanties liées à la procédure pénale.
Dès lors, l’assistance obligatoire d’un avocat dès le début du placement n’est pas une exigence constitutionnelle découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Le juge constitutionnel considère que le cadre médical de la décision justifie un régime distinct de celui de la garde à vue ou des sanctions disciplinaires. La protection de la santé et la sécurité des tiers forment ici le socle d’une conciliation équilibrée avec les droits de la défense.
II. L’encadrement temporel du contrôle de la liberté individuelle
A. La validation des mécanismes de contrôle judiciaire différé
Le législateur a instauré un contrôle judiciaire automatique qui intervient obligatoirement au-delà de certains seuils de durée pour l’isolement et la contention. Le Conseil relève que le directeur de l’établissement doit saisir le juge avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention. Ce contrôle systématique assure une surveillance judiciaire périodique des mesures de privation de liberté les plus longues.
Cette saisine obligatoire constitue une garantie essentielle permettant au magistrat de mettre fin à une mesure qui ne serait plus « adaptée, nécessaire et proportionnée ». Le Conseil constitutionnel juge que ce dispositif répond aux exigences de l’article 66 de la Constitution sans qu’un contrôle plus précoce soit nécessaire. La temporalité choisie par le législateur est ainsi validée comme étant conforme à la protection constitutionnelle de la liberté individuelle.
B. La portée limitée de l’obligation d’information immédiate
La décision confirme que la validité constitutionnelle d’une mesure privative de liberté ne dépend pas toujours de la notification immédiate des droits au sujet concerné. Le Conseil admet que la situation médicale d’urgence psychiatrique peut justifier une souplesse procédurale dans les premières heures de la prise en charge. L’absence de mention de ce droit d’information dans les deux premières phrases de l’article L. 3222-5-1 n’affecte pas la légalité du dispositif.
Cette solution consacre une vision où l’intervention du juge judiciaire reste le pivot de la protection de la liberté, même si elle est différée. Les Sages refusent d’imposer un formalisme excessif qui pourrait entraver la réactivité nécessaire des services de soins face à des périls imminents. La conformité de la loi est ainsi maintenue sous réserve que le contrôle juridictionnel, bien que non instantané, demeure accessible et effectif à court terme.