Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-1069/1070 R QPC du 8 février 2024

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 février 2024, une décision n° 2023-1069/1070 R QPC rejetant une demande de rectification d’erreur matérielle. Cette requête visait une décision du 24 novembre 2023 relative à l’organisation du jugement des crimes par les cours d’assises. Saisi par un requérant individuel et une association intervenante, le juge devait se prononcer sur l’exactitude des termes employés dans ses propres motifs. Les auteurs de la demande soutenaient que le Conseil avait dénaturé le principe de l’intervention du jury en employant une terminologie erronée. Ils reprochaient également à la juridiction de n’avoir pas répondu de manière circonstanciée au grief tiré du droit commun du jugement criminel. La question posée au juge constitutionnel était de savoir si la contestation du raisonnement juridique peut constituer une erreur matérielle rectifiable. Le Conseil constitutionnel écarte les prétentions des requérants en jugeant que leurs demandes tendent en réalité à la remise en cause de la décision initiale.

I. L’exclusion des griefs touchant au raisonnement juridique

A. Le caractère restrictif de la notion d’erreur matérielle

L’article 13 du règlement de procédure du 4 février 2010 autorise la rectification des erreurs matérielles entachant les décisions rendues en matière de QPC. Cette voie de recours exceptionnelle ne saurait toutefois servir à modifier le sens de la solution ou la structure du raisonnement adopté par les juges. En l’espèce, les auteurs de la saisine critiquaient la mention du « principe de l’intervention du jury en matière criminelle » au sein des motifs précédents. Ils considéraient cette formulation inexacte au regard du principe invoqué qu’ils qualifiaient de « principe d’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun ». Le Conseil constitutionnel écarte logiquement cette prétention en considérant qu’elle ne relève pas d’une simple inadvertance formelle ou d’une erreur de plume évidente.

B. Le rejet des critiques portant sur la sémantique juridictionnelle

La contestation portait également sur l’affirmation selon laquelle la législation républicaine n’avait pas « pour effet » de réserver le jugement des crimes au jury seul. Les requérants estimaient que cette appréciation historique et juridique constituait une erreur devant être rectifiée pour assurer la cohérence de la décision constitutionnelle. Ils faisaient valoir par ailleurs que le Conseil n’avait pas répondu « de manière circonstanciée » à leur grief tiré d’un droit commun du jugement criminel. Le juge rejette ces arguments en soulignant qu’ils visent en réalité à obtenir une modification substantielle de l’analyse juridique opérée lors du premier examen. La qualification d’erreur matérielle est ainsi réservée aux seules fautes de transcription ou aux erreurs de fait manifestes et dépourvues d’incidence sur le fond.

II. Le respect impérieux de l’autorité de la chose jugée

A. L’interdiction de solliciter un second examen au fond

La décision commentée rappelle fermement que les recours en rectification ne constituent pas une voie de réformation permettant de critiquer le bien-fondé d’une solution acquise. En affirmant que les requérants cherchent la « remise en cause de la décision », le Conseil protège l’intangibilité de ses jugements définitifs contre toute contestation tardive. L’autorité de la chose jugée s’oppose à ce que les parties puissent réintroduire un débat juridique déjà tranché sous le couvert d’une correction technique. Une telle démarche nécessiterait un réexamen complet des moyens que le Conseil constitutionnel a déjà écartés ou interprétés souverainement dans sa décision précédente. La décision n’est pas susceptible de recours, ce qui oblige le juge à maintenir une frontière étanche entre la forme et la substance des motifs.

B. La portée limitée de la procédure de rectification

Cette jurisprudence confirme l’étroitesse de la procédure de rectification devant le Conseil constitutionnel, laquelle se limite strictement à la réparation d’anomalies matérielles non équivoques. Le rejet des deux requêtes illustre la volonté de ne pas laisser prospérer des demandes tendant à corriger une prétendue insuffisance de motivation ou d’interprétation. En refusant de revenir sur l’énoncé du paragraphe 16 de sa décision initiale, le juge constitutionnel préserve la stabilité de sa doctrine relative à la matière criminelle. La décision du 8 février 2024 assure ainsi que la voie de la rectification ne soit pas détournée de son objet pour devenir un appel déguisé. Elle sanctuarise le raisonnement tenu par le Conseil tout en rappelant aux plaideurs les limites inhérentes à cette procédure spécifique du contentieux constitutionnel.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture