Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 février 2024, une décision n° 2023-1078 QPC relative aux modalités de la taxe de séjour. Cette décision examine la conformité au bloc de constitutionnalité de dispositions législatives régissant la fiscalité locale des hébergements touristiques. Une société commerciale contestait les règles d’assujettissement à cet impôt en invoquant une rupture d’égalité entre les différents exploitants.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt n° 755 du 7 novembre 2023, a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité. Elle portait sur les articles L. 2333-26 et L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction de 2016. La partie requérante soutenait que le choix offert aux communes entre deux régimes fiscaux créait une discrimination injustifiée. Elle critiquait également le mode de calcul d’une taxe forfaitaire assise sur la capacité théorique d’accueil des logements.
La question de droit consistait à déterminer si la liberté de choix des communes portait atteinte au principe d’égalité devant la loi. Le Conseil devait également vérifier si une assiette fiscale déconnectée de la fréquentation réelle respectait l’exigence constitutionnelle de prise en compte des facultés contributives. Les juges déclarent les dispositions contestées conformes à la Constitution car elles se fondent sur des critères objectifs et rationnels.
I. La validité du libre choix communal entre les régimes d’imposition
A. La distinction fondée sur la nature des hébergements
Le Conseil rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Les communes peuvent instituer une taxe de séjour réelle ou une taxe forfaitaire selon leurs besoins en matière de promotion touristique. Cette faculté permet d’adapter la pression fiscale aux caractéristiques du territoire et aux types d’établissements situés dans la circonscription. Le texte énonce que « seuls des hébergements de nature différente peuvent être soumis à des régimes d’imposition distincts ».
Cette précision garantit qu’au sein d’une même catégorie d’hébergement, tous les professionnels subissent un traitement fiscal rigoureusement identique. Le juge constitutionnel souligne que cette différenciation est en « rapport direct avec l’objet de la loi » qui l’établit. Le but est d’assurer le recouvrement optimal de la taxe tout en tenant compte des circonstances locales et des modes d’exploitation. La distinction ne repose donc pas sur un arbitraire administratif mais sur une réalité économique et matérielle variable.
B. L’absence de discrimination injustifiée entre les acteurs du secteur
Le grief tiré de la rupture d’égalité entre les personnes hébergées est également écarté avec fermeté par la haute juridiction. Les dispositions législatives critiquées « n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les personnes hébergées » sur le territoire communal. Le Conseil constitutionnel préserve ainsi la liberté d’administration des collectivités territoriales consacrée par l’article 72 de la Constitution. Les conseils élus déterminent les modalités du prélèvement dans les limites fixées par le législateur national.
Cette autonomie permet de moduler les contributions sans pour autant créer de privilèges ou de discriminations prohibées par la Déclaration des droits. L’uniformité absolue de l’impôt n’est pas requise dès lors que les critères de distinction retenus demeurent rationnels et objectifs. La décision valide ainsi l’architecture actuelle de la fiscalité locale applicable aux structures d’accueil touristique.
II. La constitutionnalité du forfait fondé sur la capacité d’accueil
A. Un critère d’assiette conforme aux objectifs de recouvrement
La société requérante invoquait l’article 13 de la Déclaration de 1789 pour contester l’assiette de la taxe de séjour forfaitaire. Cette dernière est « assise sur la capacité d’accueil de l’hébergement » plutôt que sur sa fréquentation effective durant la saison. Le Conseil juge ce critère conforme aux exigences de répartition équitable des charges publiques entre les citoyens et les entreprises. Le législateur a manifestement entendu faciliter le recouvrement de cet impôt pour les collectivités aux moyens administratifs limités.
La recherche de simplicité constitue un objectif d’intérêt général justifiant le recours à une évaluation forfaitaire des capacités économiques. Le critère retenu est considéré comme « objectif et rationnel en fonction des buts » que le législateur se propose d’atteindre. Cette méthode prévient les litiges fréquents liés à la vérification complexe de la fréquentation réelle des petits établissements. Elle offre une sécurité juridique aux redevables tout en garantissant des recettes stables aux budgets locaux.
B. La garantie de prise en compte des facultés contributives réelles
Le Conseil vérifie avec soin que le contribuable n’est pas assujetti à une imposition déconnectée de ses facultés financières réelles. Il relève que le calcul de la taxe intègre le nombre de nuitées et les unités de capacité d’accueil. Surtout, la loi impose un abattement obligatoire « en fonction de la durée de la période d’ouverture de l’établissement » imposable. Ce mécanisme de correction permet d’ajuster la charge fiscale à la réalité saisonnière de l’activité touristique concernée.
Cette modulation législative garantit que le prélèvement ne constitue pas une charge excessive au regard des revenus potentiels de l’exploitant. Le juge écarte ainsi l’existence d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques dans le cadre de ce forfait. La solution confirme la latitude dont dispose le pouvoir législatif pour définir les règles d’assiette des contributions communes. Les articles L. 2333-26 et L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales sont déclarés entièrement constitutionnels.