Par une décision rendue le 30 mars 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur la régularité du financement de la campagne d’une candidate aux élections législatives. Les faits concernent un scrutin organisé les 12 et 19 juin 2022 dans une circonscription du département du Bas-Rhin pour désigner un député national. L’autorité administrative de contrôle a rejeté le compte de la candidate par une décision prise lors de sa séance du 15 décembre 2022. Elle a ensuite saisi le Conseil constitutionnel le 4 janvier 2023 afin de faire constater ce manquement aux règles électorales impératives. La candidate soutenait que son mandataire financier avait rencontré des difficultés matérielles pour ouvrir le compte bancaire unique exigé par les textes législatifs. Elle n’apportait cependant aucun élément au soutien de ses affirmations devant les juges afin de justifier l’absence de ce compte obligatoire. La question posée au Conseil constitutionnel était de savoir si l’absence d’ouverture d’un compte bancaire constituait un manquement d’une particulière gravité. Les juges ont considéré que l’omission d’un compte bancaire unique constituait une violation substantielle du code électoral et ont prononcé une inéligibilité. L’analyse portera d’abord sur l’impératif de transparence financière avant d’examiner la sévérité de la sanction retenue par la haute juridiction parisienne.
**I. L’impératif de transparence financière des campagnes électorales**
La législation électorale impose l’encadrement des flux financiers par l’intermédiaire obligatoire d’un mandataire financier et d’un compte bancaire spécifiquement dédié aux opérations électorales.
**A. L’obligation d’ouverture d’un compte bancaire unique**
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle permet une traçabilité parfaite des recettes et des dépenses engagées pour influencer le suffrage universel lors de la période de campagne. Le Conseil constitutionnel rappelle que l’intitulé du compte doit préciser que le titulaire agit en qualité de mandataire financier pour un candidat identifié. Cette formalité n’est pas une simple exigence administrative mais constitue le pilier du contrôle exercé a posteriori par la commission nationale spécialisée.
**B. Le rejet automatique du compte de campagne irrégulier**
En l’absence de ce support bancaire, le compte de campagne ne peut être valablement contrôlé dans ses recettes et ses dépenses par l’autorité compétente. Le Conseil affirme que le rejet du compte par l’autorité administrative a été effectué « à bon droit » au regard des pièces produites. Cette solution découle directement de l’impossibilité matérielle de vérifier que les fonds utilisés respectent les plafonds légaux et les origines des dons. La méconnaissance de cette formalité substantielle interdit toute validation des comptes, indépendamment de la bonne foi ou des difficultés invoquées par l’intéressée. Cette exclusion des comptes de campagne justifie alors l’examen des conséquences personnelles que le juge constitutionnel attache à une telle méconnaissance de la loi.
**II. La sévérité de la sanction d’inéligibilité face aux manquements substantiels**
Le juge constitutionnel ne se contente pas de rejeter le compte mais applique également une sanction personnelle à l’encontre du candidat défaillant.
**A. La qualification du manquement d’une particulière gravité**
Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, l’inéligibilité suppose une volonté de fraude ou un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Les juges estiment ici que l’absence totale de compte bancaire entre dans cette catégorie en raison du caractère fondamental de cette règle de transparence. La décision précise que le candidat « ne pouvait ignorer la portée » de cette obligation légale claire dont le non-respect entrave la mission de contrôle. L’absence de preuves concernant les difficultés d’ouverture du compte renforce le caractère inexcusable de cette omission grave aux yeux de la juridiction.
**B. Une rigueur jurisprudentielle garante de l’équité démocratique**
Le prononcé d’une inéligibilité d’un an illustre la volonté du juge de maintenir une discipline stricte parmi les prétendants à la représentation nationale. Cette fermeté garantit que tous les candidats luttent à armes égales sous le regard vigilant d’une autorité capable de sanctionner les dérives financières. La portée de cet arrêt confirme une jurisprudence établie où la méconnaissance des outils élémentaires de la transparence entraîne l’exclusion de la vie politique. Cette solution assure la probité du processus électoral en écartant ceux qui faillent à des obligations déclaratives essentielles pour la sincérité du scrutin.