Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 30 mars 2023, s’est prononcé sur le rejet du compte de campagne d’une candidate aux élections législatives. L’affaire concerne la deuxième circonscription du Bas-Rhin où la requérante n’a pas respecté les obligations impératives relatives au financement de sa propre campagne électorale. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte par une décision en date du 15 décembre 2022. Le juge constitutionnel a ensuite été saisi le 4 janvier 2023 afin de statuer sur la situation électorale de l’intéressée suite à ce rejet définitif. Le litige repose sur l’absence d’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire financier, constituant une violation caractérisée des dispositions du code électoral français. La candidate a invoqué des obstacles matériels sans fournir d’éléments probants, ce qui conduit le juge à s’interroger sur la gravité du manquement constaté. L’examen de la décision commande d’étudier l’exigence de traçabilité financière avant d’analyser la rigueur de la sanction attachée au manquement des règles de financement.
I. L’exigence de traçabilité financière par l’ouverture d’un compte unique
A. Le caractère substantiel de l’obligation de bancarisation des opérations
Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique ». Cette règle vise à garantir la transparence financière en permettant de retracer la totalité des opérations monétaires engagées par le candidat durant la période électorale. L’absence d’un tel compte empêche tout contrôle efficace de l’origine et de la nature des recettes perçues ainsi que des dépenses réellement effectuées par le candidat. Dès lors, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques était légitime à rejeter un compte de campagne ne présentant aucune garantie bancaire.
B. L’impossibilité de justifier le défaut d’ouverture par de simples allégations
La candidate a tenté de justifier l’absence de compte bancaire en invoquant des difficultés matérielles rencontrées par son mandataire lors des démarches d’ouverture obligatoires. Le juge électoral écarte cependant cet argument en soulignant que la requérante « n’apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de cette affirmation ». La preuve du refus d’ouverture par des établissements financiers est une condition indispensable pour que le juge puisse éventuellement tempérer la rigueur de la loi. En l’absence de pièces probantes, la réalité de l’empêchement ne peut être établie et laisse place à une méconnaissance délibérée des prescriptions légales en vigueur.
II. La répression d’un manquement grave aux règles de financement électoral
A. La qualification juridique d’une irrégularité d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel considère que le défaut d’ouverture de compte bancaire constitue une violation majeure des principes fondamentaux régissant le contrôle des dépenses électorales publiques. La décision souligne la « particulière gravité du manquement à une règle » dont la candidate ne pouvait raisonnablement ignorer la portée juridique et les conséquences pratiques. Cette sévérité se justifie par la nécessité de préserver l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin par un encadrement strict des flux financiers.
B. La proportionnalité de la sanction d’inéligibilité temporaire
La sanction finale prononcée consiste en une déclaration d’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Cette mesure de police électorale vise à écarter temporairement de la vie publique les citoyens ayant gravement failli aux obligations de transparence imposées par le code. La durée d’un an apparaît comme une sanction intermédiaire, marquant la désapprobation du juge tout en restant conforme à l’échelle des peines prévues par la loi. Le dispositif assure ainsi une fonction dissuasive indispensable au bon fonctionnement démocratique et à la moralisation nécessaire de la compétition politique au sein de la République.