Le Conseil constitutionnel, par une décision du 6 avril 2023, s’est prononcé sur le respect des règles de financement des campagnes électorales législatives. Une candidate ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés lors du scrutin de juin 2022 n’a pas déposé son compte de campagne. Saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 12 janvier 2023, le juge électoral devait apprécier ce manquement. L’intéressée a produit des documents comptables postérieurement à la saisine, sans toutefois justifier de circonstances particulières pour expliquer son retard initial. La question posée au Conseil résidait dans la possibilité de sanctionner par l’inéligibilité l’absence totale de dépôt d’un compte de campagne obligatoire. Le juge constitutionnel déclare la candidate inéligible pour une durée de trois ans en raison de la particulière gravité de l’omission. L’examen de cette décision suppose d’analyser d’abord la caractérisation du manquement aux obligations de dépôt avant d’étudier la proportionnalité de la sanction prononcée.
**I. L’affirmation d’une obligation comptable impérative**
**A. Le constat objectif de l’absence de dépôt**
Le code électoral impose à tout candidat atteignant le seuil de 1 % des suffrages d’établir et de déposer un compte de campagne régulier. Le Conseil constitutionnel rappelle que ce document doit être transmis à l’autorité de contrôle « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour ». Dans cette affaire, l’absence de dépôt à l’expiration du délai légal constitue un manquement matériellement établi et incontesté par la candidate. Cette obligation vise à garantir la transparence financière et l’égalité entre les candidats lors des opérations électorales nationales. Le juge électoral refuse d’excuser la défaillance dès lors que les conditions de seuil prévues par l’article L. 52-12 sont réunies.
**B. L’inefficacité des régularisations tardives**
La candidate a tenté de justifier sa situation en produisant certains documents relatifs à ses dépenses le 26 janvier 2023 seulement. Le juge relève que cette production intervient « postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ». Il considère qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». La simple transmission tardive de pièces comptables ne saurait donc couvrir l’absence de dépôt initial du compte dans les formes prescrites. Cette rigueur procédurale souligne l’importance que le juge attache au respect scrupuleux du calendrier fixé par les textes législatifs.
**II. La sanction d’un manquement d’une particulière gravité**
**A. La qualification juridique de l’omission**
L’article L.O. 136-1 permet au juge de prononcer l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». En l’espèce, le Conseil constitutionnel déduit la gravité de la nature même de l’omission commise par la candidate évincée. L’absence totale de compte de campagne empêche toute vérification effective de l’origine des recettes et de la réalité des dépenses engagées. Le juge qualifie explicitement cette situation de « particulière gravité », suivant ainsi une jurisprudence constante en matière de défaut de dépôt. Cette qualification juridique ouvre alors la voie à une sanction restrictive de l’exercice des droits civiques pour l’intéressée.
**B. L’application d’une inéligibilité triennale**
Le Conseil constitutionnel décide de déclarer la candidate inéligible « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette durée de trois ans correspond à la pratique actuelle du juge pour les manquements les plus sérieux au droit électoral. La sanction frappe non seulement le mandat en cause mais s’étend également à toute autre fonction élective durant cette période déterminée. La décision assure une fonction de dissuasion tout en rétablissant l’ordre public électoral rompu par l’absence de transparence comptable. Par cette fermeté, le Conseil réaffirme son rôle de gardien de la probité des comptes de campagne au sein de la République.