Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6012 AN du 21 avril 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 21 avril 2023, une décision relative au contentieux de l’élection des députés dans la troisième circonscription du Gard. Cette espèce interroge la régularité du financement d’une campagne électorale au regard de l’obligation d’ouvrir un compte bancaire spécifique. Un candidat aux élections législatives de juin 2022 n’a pas justifié de l’ouverture d’un compte bancaire au nom de son mandataire financier. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a alors rejeté son compte de campagne le 5 janvier 2023. Saisi par ladite Commission, le juge électoral doit apprécier les conséquences de cette omission sur l’éligibilité de l’intéressé. Le litige repose principalement sur l’application combinée des articles L. 52-6 et L.O. 136-1 du code électoral. L’omission de formalités bancaires obligatoires constitue-t-elle un manquement d’une particulière gravité justifiant une déclaration d’inéligibilité ? Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an contre le candidat défaillant. L’analyse portera d’abord sur la rigueur des obligations comptables imposées aux candidats, avant d’envisager la sévérité de la sanction attachée à leur méconnaissance.

I. L’exigence impérative d’un compte bancaire dédié au financement électoral

A. L’obligation de traçabilité financière par le mandataire L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Chaque candidat est « tenu d’établir un compte de campagne » lorsqu’il remplit les conditions légales de suffrages ou de dons. Cette exigence garantit la transparence absolue des fonds utilisés durant la période de la campagne électorale. Elle autorise un contrôle rigoureux de l’origine des recettes ainsi que de la nature des dépenses réellement engagées.

B. La confirmation juridictionnelle du rejet du compte Le candidat concerné n’a jamais fourni la preuve matérielle de l’ouverture d’un compte bancaire au nom de son mandataire. Le Conseil constitutionnel relève dans ses motifs que « cette circonstance est établie » par les diverses pièces du dossier. Il valide par conséquent la décision de rejet prise le 5 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne. Cette solution protège efficacement l’équilibre du scrutin en écartant les financements dont la source véritable demeurerait invérifiable.

II. La sanction du manquement grave aux règles de transparence

A. La caractérisation d’une irrégularité substantielle Le juge électoral exerce un pouvoir de sanction encadré par les dispositions de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Il peut déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». L’absence totale de compte bancaire spécifique empêche toute traçabilité fiable des mouvements financiers opérés durant l’élection. Une telle carence ne saurait raisonnablement être considérée comme une simple erreur administrative dépourvue de portée juridique réelle.

B. L’effet de l’inéligibilité sur l’intégrité du suffrage Le Conseil constitutionnel prononce finalement une inéligibilité à tout mandat pour une durée fixe de douze mois. Cette mesure souligne la dimension dissuasive des règles relatives au plafonnement ainsi qu’au contrôle des dépenses électorales. Elle confirme que la probité financière représente une condition essentielle pour accéder légitimement au mandat de député. La sévérité de la sanction illustre la volonté manifeste de garantir l’égalité parfaite entre les candidats devant le suffrage.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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