Le Conseil constitutionnel a rendu, le 21 avril 2023, la décision n° 2023-6016 AN relative au contentieux du financement des élections législatives de juin 2022. Une candidate ayant recueilli plus de 1 % des suffrages exprimés a déposé son compte de campagne auprès de l’autorité de contrôle compétente. Ce compte présentait des montants de dépenses et de recettes supérieurs au seuil de 4 000 euros fixé par les dispositions réglementaires applicables. La candidate a cependant omis de faire présenter ses documents comptables par un membre de l’ordre des experts-comptables, contrairement aux prescriptions légales. L’autorité de contrôle a saisi le juge constitutionnel le 18 janvier 2023 afin de statuer sur la régularité de ce financement électoral. La juridiction doit déterminer si le défaut de présentation du compte par un professionnel constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel écarte toute circonstance justificative et prononce une inéligibilité d’un an en application stricte des dispositions du code électoral. L’analyse portera sur la caractérisation du manquement aux obligations comptables ainsi que sur la rigueur de la sanction nécessaire à la transparence électorale.
I. La caractérisation du manquement aux obligations comptables
A. Le caractère impératif de la présentation par un expert-comptable
L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu 1 % des suffrages de retracer l’ensemble des recettes et dépenses engagées. Ce texte précise également que le compte « doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables » pour assurer sa régularité. Cette formalité obligatoire garantit la sincérité des documents financiers tout en facilitant le contrôle exercé ultérieurement par l’autorité administrative spécialisée. Le législateur dispense de cette obligation les seuls candidats dont les résultats et les flux financiers restent inférieurs à des seuils précisément définis. La candidate ne pouvait prétendre à cette dispense car ses dépenses et recettes excédaient le montant réglementaire fixé à 4 000 euros.
B. Le constat d’une omission matérielle injustifiée
La candidate a déposé son compte de campagne dans les délais mais sans solliciter l’intervention requise d’un professionnel du chiffre et de l’audit. Le Conseil constitutionnel relève que l’instruction ne permet pas d’établir l’existence de « circonstances particulières » de nature à justifier cette méconnaissance des règles. L’absence d’observations produites par l’intéressée durant la phase contradictoire de la procédure confirme la réalité matérielle de cette omission juridique grave. Le juge se borne à constater la violation d’une règle claire dont aucun candidat ne peut ignorer l’application lors d’un scrutin national. Cette méconnaissance des obligations légales fragilise directement le dispositif de surveillance du financement de la vie politique française par les autorités indépendantes.
II. La rigueur de la sanction au service de la transparence électorale
A. La qualification de manquement d’une particulière gravité
Le juge constitutionnel peut déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement des campagnes électorales. Le défaut de présentation par un expert-comptable est considéré par la jurisprudence comme une faute lourde altérant la transparence globale du processus électoral. La décision souligne ici que l’importance des opérations financières imposait sans aucune équivoque le recours à un expert pour valider la comptabilité. La gravité est appréciée objectivement par le Conseil sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention frauduleuse délibérée de la part de l’intéressée. Cette interprétation rigoureuse assure le respect de l’égalité entre les candidats devant les charges administratives et les obligations liées à la compétition.
B. L’effectivité de la mesure d’inéligibilité prononcée
La candidate est « déclarée inéligible… pour une durée d’un an à compter de la présente décision » en vertu des dispositions du code électoral. Cette sanction proportionnée prive l’intéressée de son droit d’éligibilité pour une période limitée mais suffisante pour marquer le désaveu de sa pratique. Le Conseil constitutionnel protège l’intégrité du système démocratique en écartant temporairement les acteurs qui négligent les garanties fondamentales de la transparence financière. La publication de cette décision assure l’information complète des citoyens et la pleine efficacité juridique de la mesure de police du scrutin. La solution retenue confirme la volonté du juge de maintenir une discipline budgétaire absolue pour l’ensemble des représentants de la souveraineté nationale.