Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6019 AN du 1 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2023-6113 AN du 1er juin 2023, s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt du compte de campagne.

À l’occasion des élections législatives de juin 2022, un candidat ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés n’a pas déposé de compte de campagne. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que treize carnets de reçus-dons avaient été remis au mandataire du candidat. Seulement douze carnets ayant été restitués, la Commission a saisi le juge électoral en raison de la présomption de perception de dons non déclarés. Le candidat n’a pas produit le document manquant malgré la mesure d’instruction ordonnée par la juridiction pour justifier l’absence de perception de fonds.

La question posée au juge constitutionnel consistait à savoir si le défaut de restitution d’un carnet de reçus-dons justifiait une déclaration d’inéligibilité du candidat. Le Conseil constitutionnel répond par l’affirmative en considérant que l’absence de justificatifs suffisants établit un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement.

**I. La présomption de perception de dons résultant de la détention de carnets**

**A. Le fondement légal de l’obligation de dépôt du compte de campagne**

Le code électoral impose la transparence financière des candidats afin de garantir l’égalité des chances et la sincérité du scrutin lors des compétitions électorales. L’article L. 52-12 dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne ». Cette obligation s’impose dès lors que le candidat a obtenu au moins 1 % des suffrages ou s’il a « bénéficié de dons de personnes physiques ».

L’établissement de ce compte permet de retracer l’ensemble des recettes perçues ainsi que la nature des dépenses engagées en vue de l’élection législative. Le respect de ce formalisme demeure impératif même pour les candidats n’ayant pas atteint les seuils de remboursement prévus par les dispositions législatives en vigueur. La méconnaissance de ces règles comptables expose les candidats à des sanctions électives graves destinées à moraliser la vie politique française contemporaine.

**B. L’établissement probatoire de la perception de dons par la détention de reçus**

Le juge constitutionnel précise les modalités de preuve concernant la perception de fonds privés nécessaires à l’ouverture de l’obligation de dépôt du compte. La décision énonce que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption présente un caractère simple puisque la juridiction indique expressément qu’elle « peut être combattue par tous moyens » au cours de l’instruction contentieuse.

En l’espèce, le candidat n’a pas produit le carnet manquant parmi les treize documents initialement remis par les services préfectoraux à son mandataire financier. La juridiction estime donc que l’intéressé « n’a pas présenté les justificatifs suffisants permettant de renverser cette présomption » de perception de recettes électorales non déclarées. La détention de documents de collecte de fonds non restitués suffit ainsi à démontrer l’existence d’une activité financière occulte durant la campagne.

**II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement d’une particulière gravité**

**A. La qualification juridique de la gravité du manquement constaté**

Le défaut de dépôt du compte de campagne constitue une violation substantielle des règles relatives au financement des activités politiques durant la période électorale. L’article L.O. 136-1 autorise le juge à prononcer l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le Conseil constitutionnel relève qu’aucune circonstance particulière ne permettait de justifier la méconnaissance des obligations résultant des dispositions de l’article L. 52-12 précité.

La sévérité de la solution s’explique par l’impossibilité pour l’administration de contrôler l’origine et le montant des fonds éventuellement collectés par le candidat négligent. La juridiction conclut qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité » pour une durée de trois ans en raison de la « particulière gravité de ce manquement ». Le juge électoral refuse ainsi d’excuser une légèreté administrative qui porte atteinte à la transparence financière nécessaire au bon fonctionnement démocratique.

**B. La portée de la décision sur la discipline financière des candidats**

La présente décision renforce l’exigence de rigueur dans la gestion administrative des outils de collecte de fonds mis à la disposition des mandataires financiers. La perte du droit d’éligibilité pour une durée triennale souligne la volonté du juge d’écarter de la vie publique les candidats ignorant les obligations légales. L’inéligibilité s’applique à tout mandat électif et court à compter de la notification de la décision, privant ainsi l’intéressé des scrutins futurs.

Le juge assure par cette jurisprudence une application stricte des principes de transparence tout en rappelant la responsabilité personnelle du candidat dans la tenue comptable. La solution confirme ainsi que la simple possession de carnets de reçus non restitués suffit à caractériser une fraude potentielle ou une négligence grave. Cette fermeté jurisprudentielle participe à la sécurisation du financement de la vie politique par une surveillance accrue des flux financiers de campagne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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