Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 juin 2023, la décision n° 2023-6032 AN relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives. Dans cette affaire, un candidat n’avait pas mentionné une dépense de communication de soixante euros prise en charge par son parti politique. Saisie par l’autorité de contrôle des comptes de campagne, la juridiction devait se prononcer sur la validité du compte et l’éligibilité. L’administration avait préalablement rejeté le compte au motif d’une description inexacte de la totalité des dépenses électorales effectivement engagées. Le juge constitutionnel doit déterminer si l’omission d’une somme modique justifie le rejet du compte et le prononcé d’une inéligibilité. Il confirme la décision administrative tout en refusant de déclarer le candidat inéligible au regard de la faible gravité du manquement. Cette solution conduit à examiner d’abord la rigueur du contrôle comptable avant d’analyser la proportionnalité de la sanction d’inéligibilité.
I. La confirmation de l’irrégularité comptable du candidat
A. L’obligation de retracer l’intégralité des dépenses électorales
Le code électoral impose aux candidats d’établir un compte retraçant « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette exigence de transparence permet de vérifier le respect du plafonnement des dépenses et l’origine des fonds utilisés pendant la campagne. Le juge rappelle que sont réputées faites pour le compte du candidat « les dépenses exposées directement au profit du candidat » par les partis. L’omission d’une prestation de communication payée par un tiers constitue donc une méconnaissance des obligations déclaratives prévues par la loi organique. La sincérité du compte dépend de l’inscription de tous les avantages directs ou indirects dont le candidat a effectivement bénéficié.
B. La validation du rejet prononcé par l’autorité de contrôle
L’instruction a révélé que l’intéressé avait omis de mentionner « comme concours en nature une prestation de communication, évaluée à 60 euros ». Cette inexactitude, bien que portant sur une somme réduite, altère la réalité du document comptable soumis au contrôle de l’administration électorale. La juridiction estime qu’il a été fait une juste application de la loi en rejetant le compte de l’intéressé pour ce motif. Le rejet administratif apparaît comme la conséquence directe du non-respect des règles de présentation et d’équilibre du compte de campagne. La juridiction souligne ainsi que toute dépense électorale doit impérativement figurer dans les comptes sous peine de sanction par l’autorité.
II. L’exclusion de la sanction d’inéligibilité par le juge
A. Le cadre juridique de la gravité particulière du manquement
Le prononcé de l’inéligibilité n’est pas systématique et suppose une « volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité » aux règles. Cette disposition organique confère au juge constitutionnel un pouvoir d’appréciation sur l’importance de l’irrégularité commise par le candidat lors du scrutin. Il doit distinguer la simple erreur matérielle de la manœuvre délibérée visant à fausser la sincérité des résultats de l’élection législative. Le législateur a souhaité réserver cette sanction majeure aux comportements les plus attentatoires à la transparence financière de la vie publique. La mission du juge est alors de concilier la rigueur des règles comptables avec le principe de proportionnalité des peines.
B. L’appréciation souveraine du faible montant de l’omission
Le Conseil constitutionnel considère que « l’irrégularité commise, pour regrettable qu’elle soit, n’est pas de nature à entraîner le prononcé d’une inéligibilité ». Il fonde son raisonnement sur le « faible montant de la somme en cause » qui ne représentait que soixante euros de frais. Le manquement ne présentait aucun caractère de gravité suffisante pour justifier l’exclusion du candidat de la vie électorale pendant trois ans. Cette décision confirme une jurisprudence constante qui écarte l’inéligibilité lorsque les sommes omises n’ont pas d’incidence sur l’équilibre du compte. La protection du droit d’éligibilité l’emporte ainsi sur la sanction d’une erreur comptable dépourvue d’intention frauduleuse manifeste.