Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 mai 2023, une décision relative au contrôle du financement de la campagne d’une candidate aux élections législatives de l’année précédente. L’intéressée avait recueilli plus de 1 % des suffrages exprimés lors du scrutin, ce qui l’obligeait légalement à déposer un compte de campagne détaillé. L’autorité administrative chargée de la vérification des comptes a saisi le juge électoral le 24 janvier 2023 après avoir constaté le défaut de dépôt. La candidate n’a produit aucune observation au cours de l’instruction, laissant ainsi le juge statuer sans défense particulière sur les raisons de cette omission. Le litige porte sur l’application des dispositions organiques prévoyant la sanction d’inéligibilité en cas de manquement grave aux règles de transparence financière. Le problème juridique est de savoir si l’absence de dépôt du compte de campagne sans justification constitue une faute d’une gravité suffisante pour justifier l’inéligibilité. Le juge affirme que ce défaut caractérise un manquement d’une particulière gravité, justifiant ainsi une inéligibilité de trois ans à tout mandat électif. Cette solution invite à analyser la caractérisation du manquement grave aux obligations électorales (I) puis la mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité par le juge (II).
I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de financement électoral
A. L’exigence impérative du dépôt du compte de campagne
L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu 1 % des suffrages d’établir un compte retraçant ses recettes et ses dépenses. Ce document doit être présenté par un expert-comptable et déposé avant le dixième vendredi suivant le scrutin pour permettre une vérification de sa sincérité. L’obligation vise à assurer la transparence de la vie politique et l’égalité entre les candidats lors de la compétition pour l’accès aux responsabilités publiques. La candidate n’a pas respecté ces prescriptions formelles, bien qu’elle fût parfaitement informée de la nécessité de justifier ses sources de financement et ses frais. Le respect de ces délais constitue une garantie essentielle de la transparence financière, dont la méconnaissance entraîne logiquement une présomption de faute grave.
B. La présomption de gravité attachée à l’absence de dépôt
L’article L.O. 136-1 autorise le juge à prononcer une inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». L’absence totale de dépôt est traditionnellement considérée par la jurisprudence comme une faute majeure qui altère la capacité de contrôle de l’autorité compétente. Le juge considère ici que l’omission empêche de vérifier si le plafond des dépenses a été respecté ou si des financements interdits ont été perçus. Le manquement est jugé grave car il procède d’une négligence manifeste à l’égard des règles fondamentales qui régissent le financement de la démocratie électorale. La caractérisation formelle du manquement conduit nécessairement le juge constitutionnel à statuer sur la sanction appropriée pour garantir l’effectivité des règles de financement.
II. La mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité par le juge constitutionnel
A. L’absence de circonstances justificatives admises par le juge
Le Conseil constitutionnel souligne qu’il ne résulte pas de l’instruction que des « circonstances particulières étaient de nature à justifier » la méconnaissance des obligations légales. Le juge recherche si des motifs exceptionnels, tels qu’une maladie ou un événement imprévisible, auraient pu expliquer le retard ou le défaut de présentation. Aucune explication n’ayant été fournie par la candidate défaillante, les magistrats considèrent que la méconnaissance de la loi ne saurait être excusée par le silence. Cette fermeté témoigne de la volonté de préserver l’autorité de la loi électorale en refusant toute indulgence non étayée par des preuves concrètes de bonne foi. L’absence de justification libère le plein pouvoir de sanction du juge, lequel doit alors déterminer une durée d’inéligibilité conforme à la gravité des faits.
B. La proportionnalité de l’inéligibilité triennale prononcée
Le dispositif de la décision déclare la candidate inéligible à « tout mandat pour une durée de trois ans » à compter de la date du délibéré. Cette période de trois ans constitue une sanction significative qui prive l’intéressée de son droit d’être élue dans toute assemblée locale ou nationale durant cette période. Le juge constitutionnel applique ici une mesure de police électorale proportionnée à l’importance des enjeux liés à la transparence des fonds utilisés pour la conquête du suffrage. La sanction remplit un rôle de dissuasion collective en rappelant aux futurs candidats que la gestion financière d’une campagne est soumise à un contrôle juridictionnel rigoureux. Cette décision confirme enfin que la probité financière est une condition indispensable à la participation légitime à la vie politique de la Nation.