Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6046 AN du 4 mai 2023

Par une décision rendue le 3 mai 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la validité du compte de campagne d’une candidate aux élections législatives. À la suite du scrutin de juin 2022, le mandataire financier désigné par l’intéressée a omis d’ouvrir le compte bancaire unique exigé par la loi. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a alors rejeté le compte avant de saisir le juge de l’élection. Le litige porte sur la qualification juridique de cette omission et sur la sévérité de la sanction d’inéligibilité prononcée par les sages du Palais-Royal. Le juge constitutionnel confirme le rejet du compte et déclare la candidate ineligible pour une durée d’un an en raison de la gravité du manquement.

I. L’exigence impérative d’un compte bancaire dédié au financement électoral

A. Le constat d’une méconnaissance des prescriptions légales

L’article L. 52-6 du code électoral « impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle garantit la transparence des recettes et des dépenses engagées pour la campagne électorale sous le contrôle direct de l’autorité de régulation. En l’espèce, le non-respect de cette formalité substantielle par le mandataire financier est formellement établi par les pièces versées au dossier de la procédure. Cette irrégularité prive la commission de la possibilité de vérifier l’origine réelle des fonds ainsi que la nature exacte des dépenses de la candidate.

B. La confirmation du rejet du compte de campagne

Le Conseil constitutionnel estime que « c’est à bon droit » que la commission nationale a rejeté le compte de campagne en raison de cette violation flagrante. Le juge exerce ici un contrôle de légalité strict sur les opérations financières afin de préserver l’égalité entre les différents candidats au scrutin national. L’absence de compte bancaire spécifique constitue une irrégularité qui ne peut être régularisée a posteriori, justifiant ainsi l’éviction définitive du compte de la candidate. Cette solution rappelle la rigueur attachée aux formalités de présentation comptable dont le non-respect entraîne mécaniquement la saisine de la juridiction constitutionnelle.

II. La répression disciplinaire d’un manquement d’une particulière gravité

A. La qualification juridique de l’omission du mandataire

Selon l’article L.O. 136-1, le juge peut prononcer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel juge que l’absence de compte bancaire dédié revêt une « particulière gravité » au sens des dispositions législatives applicables au contentieux électoral. Cette qualification s’explique par l’impossibilité technique de retracer l’intégralité des flux financiers, ce qui porte atteinte à l’intégrité de la procédure de contrôle. L’absence d’observations produites par la candidate durant l’instruction confirme la matérialité de ce défaut de diligence dans la gestion de ses finances.

B. La détermination de la durée de l’inéligibilité

Le juge prononce une peine d’inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an, ce qui constitue une sanction significative pour la candidate évincée. Cette décision illustre la volonté de la juridiction de réprimer fermement les manquements qui compromettent la clarté et la probité des opérations de vote. Bien que la fraude ne soit pas explicitement relevée, la gravité intrinsèque de l’omission justifie une mesure d’éloignement de la vie politique pour douze mois. La sanction est exécutoire dès sa publication et marque la fin de toute prétention électorale immédiate pour l’intéressée au sein de sa circonscription.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture