Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6052 AN du 1 juin 2023

Par une décision rendue le 31 mai 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le contentieux du financement d’une campagne électorale législative. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. Le délai expirait le 19 août 2022 alors que le dépôt effectif n’est intervenu que le 22 décembre de la même année. Le juge de l’élection a examiné les justificatifs produits attestant de l’absence totale de mouvements financiers sur le compte bancaire. La question posée au Conseil constitutionnel était de savoir si le dépôt tardif du compte de campagne impose systématiquement une déclaration d’inéligibilité. Le Conseil décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer une telle sanction au regard de l’absence de recettes et de dépenses. L’analyse de cette solution conduit à étudier le constat d’un manquement formel avant d’envisager l’appréciation souveraine du juge sur sa gravité.

**I. La constatation d’un manquement aux obligations comptables électorales**

**A. La rigueur du cadre temporel de dépôt du compte**

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant réuni au moins 1 % des voix d’établir un compte de campagne équilibré. Ce document doit impérativement être déposé avant le dixième vendredi suivant le scrutin pour permettre un contrôle efficace des financements politiques. Le juge constitutionnel relève ici que « le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures ». Le respect de cette échéance constitue une garantie fondamentale pour la transparence financière de la vie publique et l’égalité entre les candidats.

**B. La caractérisation matérielle du dépôt tardif**

Le candidat a transmis ses pièces comptables plusieurs mois après l’échéance légale fixée par les dispositions du code électoral. Le Conseil souligne ainsi que le compte a été déposé « le 22 décembre 2022, soit après l’expiration de ce délai ». Cette méconnaissance des règles de forme semble caractériser de prime abord une irrégularité susceptible d’entraîner une déclaration d’inéligibilité automatique. L’examen de la portée réelle de ce retard nécessite cependant une confrontation avec la réalité matérielle des opérations financières engagées.

**II. L’appréciation nuancée de la sanction par le juge de l’élection**

**A. L’absence de flux financiers comme critère de modération**

Le candidat a produit un justificatif bancaire prouvant qu’il « n’a engagé aucune dépense ni perçu aucune recette » durant la période électorale. Cette preuve matérielle réduit considérablement la portée de l’obligation de présentation du compte par un expert-comptable pour la mise en examen. Le Conseil constitutionnel prend acte de cette inexistence de mouvements financiers pour atténuer la rigueur de la règle du dépôt dans les délais. La transparence financière n’est pas mise en péril quand aucun fonds n’a été collecté ou utilisé pour influencer le scrutin.

**B. Le refus de l’inéligibilité pour absence de gravité suffisante**

En vertu de l’article L.O. 136-1, l’inéligibilité suppose « une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le juge estime souverainement que le retard constaté, bien que réel, ne présente pas ce caractère de gravité en l’absence de toute opération. Il considère que « le manquement commis ne justifie pas que » le candidat soit sanctionné par une interdiction de se présenter. Cette jurisprudence confirme une application proportionnée de la loi organique afin de ne pas porter une atteinte excessive au droit de suffrage.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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