Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6054 AN du 4 mai 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 3 mai 2023, s’est prononcé sur les conséquences du non-respect des règles relatives au financement électoral. Un candidat aux élections législatives de juin 2022 n’a pas veillé à l’ouverture d’un compte bancaire dédié par son mandataire financier. L’autorité administrative chargée du contrôle a rejeté son compte de campagne par une décision en date du 11 janvier 2023. Saisi de cette affaire, le juge constitutionnel devait déterminer si cette omission constituait un manquement d’une gravité suffisante pour justifier une inéligibilité. Il a confirmé le rejet du compte et a déclaré le candidat inéligible pour une durée d’un an à compter de sa décision. L’étude de la décision permet d’analyser d’abord la constatation d’une méconnaissance substantielle des obligations de financement avant d’apprécier la sanction de l’inéligibilité.

I. La constatation d’une méconnaissance substantielle des obligations de financement

A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire unique

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle garantit la transparence des fonds et permet un contrôle efficace de l’origine des recettes ainsi que de la nature des dépenses engagées. Le juge rappelle que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne » conformément à la loi. L’ouverture de ce compte spécifique constitue une formalité substantielle dont l’omission compromet gravement l’équilibre du système de financement de la vie politique.

B. La validation juridictionnelle du rejet du compte de campagne

La commission nationale a écarté le document comptable car le mandataire financier « n’a pas ouvert de compte bancaire » durant la période de la campagne. Cette méconnaissance directe des dispositions législatives prive l’autorité de contrôle de tout moyen de vérification sur la réalité des flux financiers du candidat. Le Conseil constitutionnel relève que « cette circonstance est établie » par les pièces du dossier et valide ainsi la décision prise par l’organe administratif. L’absence de support bancaire rend le compte de campagne intrinsèquement irrégulier puisqu’il ne repose sur aucune base comptable vérifiable par les services officiels.

II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement d’une particulière gravité

A. La qualification juridique de l’omission du candidat

L’article L.O. 136-1 du code électoral prévoit l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le Conseil constitutionnel considère que l’absence totale de compte bancaire pour retracer les opérations financières revêt un caractère de gravité manifeste et insurmontable. Il souligne que le candidat « ne pouvait ignorer la portée » de cette obligation légale dont le respect est indispensable à la sincérité du scrutin. Cette qualification sévère permet de sanctionner les négligences qui portent atteinte à la transparence financière sans qu’une volonté de fraude soit nécessairement démontrée.

B. La portée de la mesure d’inéligibilité prononcée par le juge

Le juge prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la publication de la présente décision de justice nationale. Cette mesure illustre la volonté de protéger l’ordre public électoral par un contrôle rigoureux des moyens matériels mis en œuvre lors des compétitions. Elle rappelle aux futurs élus que le respect scrupuleux des procédures comptables est une condition impérative de la validité de leur élection à l’assemblée. La décision renforce ainsi la sécurité juridique et l’équité entre les concurrents en garantissant que tous se soumettent aux mêmes exigences de transparence.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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