Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 mai 2023, une décision relative au contentieux électoral portant sur le financement d’une campagne législative. À l’issue d’un scrutin tenu en juin 2022, un candidat ayant recueilli au moins 1 % des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne. Bien qu’il soit tenu à cette obligation par les dispositions du code électoral, l’intéressé a seulement produit ses comptes devant le juge constitutionnel. La question posée à la juridiction concernait la possibilité de régulariser a posteriori un défaut initial de dépôt pour éviter une mesure d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel juge que l’absence de dépôt dans les délais prescrits constitue un manquement grave justifiant une sanction de trois ans. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la rigueur des obligations comptables avant d’apprécier la sévérité de la sanction prononcée contre le candidat.
I. L’exigence de dépôt du compte de campagne dans les délais légaux
A. L’obligation de transparence financière pesant sur les candidats
L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu 1 % des suffrages de retracer l’ensemble des recettes et des dépenses. Ce compte de campagne « doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi ». Cette formalité garantit la transparence du financement électoral ainsi que le respect effectif du plafonnement des dépenses engagées pour le scrutin. La présentation du compte par un expert-comptable constitue une garantie supplémentaire de sincérité et de bonne tenue des documents financiers obligatoires. Le non-respect de ce calendrier impératif compromet la mission de contrôle confiée par la loi à l’autorité administrative spécialisée.
B. L’inefficacité d’une régularisation comptable tardive
Le candidat a produit un compte de campagne lors de ses observations mais cette démarche est intervenue postérieurement à la décision de la Commission. Le juge relève qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». Une telle production tardive ne saurait effacer le défaut de dépôt initial qui prive l’administration de sa capacité d’examen dans les temps. La juridiction refuse ainsi d’admettre la validité d’une régularisation effectuée uniquement pour les besoins de la procédure contentieuse devant le Conseil constitutionnel. Cette application stricte des délais conduit mécaniquement le juge à s’interroger sur la qualification juridique du défaut de dépôt et sa répression.
II. La rigueur de la sanction d’inéligibilité pour manquement grave
A. La caractérisation juridique d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 dispose que le Conseil peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte dans les conditions prescrites. La décision souligne ici que le non-dépôt caractérise un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » selon le droit positif. Cette qualification juridique automatique découle directement de l’absence totale de transmission des pièces comptables à l’organe de contrôle dans la période légale. Le juge n’opère aucune distinction entre la négligence manifeste et l’intention frauduleuse pour constater l’existence de cette violation grave des principes constitutionnels. L’exigence de transparence prime sur les difficultés éventuelles rencontrées par les candidats lors de l’établissement de leurs documents financiers de fin de campagne.
B. Une mesure d’inéligibilité nécessaire à l’ordre public électoral
Le Conseil constitutionnel prononce l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de sa décision officielle. Cette sanction rigoureuse est justifiée par la nécessité de prévenir toute rupture d’égalité entre les différents concurrents engagés dans la compétition électorale. Le juge rappelle ainsi fermement que les règles de financement constituent des garanties essentielles pour la sincérité du scrutin et la démocratie représentative. La sévérité du dispositif s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à écarter durablement les élus potentiels ayant méconnu les obligations légales élémentaires. La protection de l’ordre public électoral impose une application stricte des textes organiques régissant le comportement financier de l’ensemble des candidats déclarés.