Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6063 AN du 26 mai 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 25 mai 2023, une décision relative au contentieux de l’élection d’un député dans la première circonscription du département de la Haute-Garonne. Cette espèce illustre la rigueur du juge électoral face au non-respect des plafonds légaux encadrant les dons des personnes physiques lors des campagnes législatives nationales. Un candidat aux scrutins des 12 et 19 juin 2022 a déposé un compte de campagne qui retraçait l’ensemble des recettes et des dépenses engagées. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a toutefois rejeté ce document comptable par une décision prise le 12 janvier 2023. L’autorité administrative a relevé qu’une personne physique avait consenti un don de six mille euros au candidat, excédant ainsi la limite légale autorisée par le code.

La Commission a saisi le Conseil constitutionnel le 26 janvier 2023 afin qu’il se prononce sur la situation électorale de l’intéressé conformément aux dispositions législatives. Le candidat n’a pas utilement contesté la réalité matérielle de ce versement excessif lors de la procédure contradictoire menée devant la haute juridiction de la République. Le litige porte sur la qualification juridique d’un tel dépassement au regard de l’exigence de probité et sur les conséquences quant à l’éligibilité du mandant concerné. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si la perception d’un don supérieur au plafond constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une mesure d’inéligibilité pour le candidat. Les juges confirment le rejet du compte de campagne avant de prononcer une interdiction de se présenter à tout mandat pour une durée d’une année civile. L’analyse de cette décision commande d’examiner d’abord la sanction comptable résultant de l’irrégularité financière avant d’aborder la sanction électorale fondée sur la gravité du manquement constaté.

I. La sanction comptable tirée de la violation des règles de plafonnement

A. Le constat impérieux d’un dépassement du plafond légal

L’article L. 52-8 du code électoral limite strictement le montant des dons qu’une personne physique peut consentir à un candidat lors d’une campagne électorale législative. En l’espèce, les faits révèlent que le candidat a « reçu d’une même personne physique un don d’un montant de 6 000 euros » pour financer ses activités. Ce versement méconnaît frontalement le plafond de quatre mille six cents euros fixé par la loi pour garantir l’égalité entre les différents compétiteurs au sein du scrutin. La matérialité de cette irrégularité comptable est établie par les pièces du dossier et n’a fait l’objet d’aucune contestation sérieuse de la part de l’intéressé. Le juge constitutionnel souligne que ces circonstances sont avérées, ce qui justifie l’application immédiate des mesures de rétorsion prévues par les textes régissant le financement politique.

B. La validation nécessaire de la décision de rejet de la commission

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de légalité rigoureux sur les décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en la matière. Il estime que « c’est à bon droit » que l’organe administratif a prononcé le rejet du compte de campagne compte tenu de la méconnaissance flagrante des plafonds. L’équilibre budgétaire et la transparence des recettes constituent des principes fondamentaux auxquels les candidats ne peuvent déroger sous peine de voir leur gestion financière invalidée. Le rejet du compte apparaît comme la conséquence inéluctable d’une gestion qui occulte les règles prudentielles édictées par le législateur pour prévenir les influences financières excessives. Cette première étape purement comptable prépare la voie à une appréciation plus politique de la conduite du candidat au regard de son aptitude à exercer un mandat.

II. La qualification de manquement grave justifiant l’inéligibilité

A. La reconnaissance d’une méconnaissance substantielle du droit électoral

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat qui a commis un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel retient ici la « particulière gravité de ce manquement » en raison de l’importance du dépassement constaté par rapport au plafond légal de dons autorisés. Cette qualification juridique n’est pas automatique mais résulte d’une analyse concrète de l’ampleur de la faute et de son impact potentiel sur la sincérité du scrutin. Le juge considère que le dépassement de plusieurs milliers d’euros ne peut être regardé comme une simple erreur matérielle ou une négligence sans conséquence pour l’ordre public. La volonté de fraude n’est pas explicitement mentionnée, mais le caractère substantiel de l’irrégularité suffit à caractériser une rupture inacceptable avec les obligations déclaratives du candidat.

B. L’infliction d’une peine d’inéligibilité proportionnée à la faute

La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » afin de sanctionner le comportement fautif. Cette durée d’une année témoigne d’une volonté de proportionner la sanction à la nature de l’infraction tout en assurant une fonction de dissuasion pour les futurs candidats. Le juge constitutionnel fait un usage mesuré de son pouvoir de sanction en n’imposant pas le maximum légal mais en marquant néanmoins la réprobation du corps social. Cette mesure de police électorale garantit que les élus respectent scrupuleusement les règles de transparence financière avant de solliciter à nouveau le suffrage de leurs concitoyens. La publication de cette décision au Journal officiel assure la pleine effectivité de la sanction et l’information des électeurs sur l’intégrité des processus de désignation politique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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