Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6078 AN du 9 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2023 d’une requête relative au rejet du compte de campagne d’un candidat aux élections législatives de juin 2022. L’affaire trouve son origine dans l’omission d’une dépense de 1 800 euros liée à la création de documents de propagande, constatée par l’autorité de contrôle administrative. Après le rejet du compte le 18 janvier 2023, la juridiction a été sollicitée pour statuer sur la régularité de la procédure et sur l’inéligibilité éventuelle. Le requérant invoque une méconnaissance du principe du contradictoire et conteste la réalité de la prestation de service facturée, arguant de l’absence d’un engagement contractuel définitif. Il appartient au juge électoral de déterminer si le défaut d’inscription d’une dépense effectivement engagée justifie le rejet du compte malgré une erreur de qualification juridique initiale. La haute juridiction confirme le rejet du compte de campagne tout en précisant les conditions d’application de la sanction d’inéligibilité prévue par le code électoral.

I. La confirmation de l’irrégularité du compte de campagne

A. L’opposabilité de la procédure contradictoire au candidat

Le respect du contradictoire constitue une garantie fondamentale dont le candidat ne saurait se prévaloir lorsqu’il a lui-même manqué de diligence dans ses relations administratives. Le Conseil constitutionnel souligne que l’absence de réception des courriers est imputable au requérant, celui-ci n’ayant pas informé la Commission de son récent changement d’adresse postale. « Dès lors, [le candidat], qui n’a pas informé en temps utile la Commission de son changement d’adresse, n’est pas fondé à soutenir que cette dernière n’aurait pas respecté le caractère contradictoire ». Cette position rigoureuse impose aux candidats une vigilance constante afin d’assurer la fluidité des échanges avec l’organe de contrôle durant toute la période d’instruction.

B. L’obligation de retracer l’intégralité des dépenses engagées

L’obligation de sincérité du compte impose de retracer l’intégralité des flux financiers, indépendamment de la satisfaction du candidat quant à la qualité des prestations de service fournies. Bien que le requérant conteste la valeur contractuelle des échanges avec son prestataire, les pièces du dossier démontrent l’existence d’une relation commerciale établie pour l’élection. Le juge électoral considère que « cette dépense effectivement engagée en vue de l’élection devait par suite être retracée dans son compte de campagne » sous peine de rejet. L’omission d’une dépense de cette importance altère la transparence du financement, justifiant ainsi la décision prise initialement par la Commission nationale des comptes de campagne.

II. L’application d’une sanction d’inéligibilité mesurée

A. La rectification de la qualification juridique du manquement

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de pleine juridiction lui permettant de substituer sa propre analyse juridique à celle de l’administration sans remettre en cause la décision finale. La Commission avait initialement qualifié l’absence de paiement de la facture de don prohibé émanant d’une personne morale, ce qui constituait une erreur manifeste d’interprétation. La décision relève que « même si la dépense litigieuse a été qualifiée à tort de don prohibé, c’est à bon droit que la Commission » a procédé au rejet du compte. Cette rectification permet de maintenir la cohérence du droit électoral tout en sanctionnant le manquement matériel consistant à dissimuler une dépense engagée pour la propagande.

B. La détermination du quantum de la sanction d’inéligibilité

Le prononcé d’une inéligibilité n’est pas automatique et dépend de l’appréciation souveraine du juge concernant la gravité des manquements constatés lors de l’examen des comptes de campagne. En l’espèce, le défaut de comptabilisation d’une somme de 1 800 euros est jugé suffisamment sérieux pour justifier l’application des dispositions de l’article L.O. 136-1. Le Conseil décide, au regard des circonstances, de déclarer le candidat « inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision ». Cette durée réduite traduit une volonté de proportionnalité, le juge sanctionnant fermement la méconnaissance des règles de financement sans pour autant appliquer le maximum légal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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