Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6079 AN du 7 avril 2023

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2023-6079 AN du 6 avril 2023, s’est prononcé sur la situation d’un candidat aux élections législatives. Ce litige porte sur le non-respect des obligations comptables imposées par le code électoral à tout compétiteur ayant bénéficié de dons de personnes physiques. L’intéressé n’avait obtenu qu’un faible score au premier tour du scrutin mais restait soumis à l’exigence légale de dépôt d’un compte de campagne. L’autorité administrative de contrôle a rendu une décision le 18 janvier 2023 avant de saisir le juge constitutionnel le 30 janvier suivant. Le délai légal expirait le 19 août 2022 à 18 heures alors que le dépôt effectif n’est intervenu que le 14 novembre de la même année. Le juge devait déterminer si ce retard substantiel caractérisait un manquement d’une particulière gravité justifiant le prononcé d’une peine d’inéligibilité contre le candidat. Le Conseil constitutionnel a conclu à l’existence d’un manquement grave et a déclaré l’intéressé inéligible pour une durée d’un an à compter du délibéré. L’étude de cette solution implique d’examiner la consécration d’une obligation comptable rigoureuse avant d’analyser la sanction du manquement aux règles de la probité électorale.

I. La consécration d’une obligation comptable rigoureuse

A. L’assujettissement impératif aux règles de financement

L’article L. 52-12 du code électoral prévoit que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne ». Cette obligation s’applique dès lors que le candidat a obtenu au moins 1 % des suffrages ou qu’il a bénéficié de dons. Le législateur entend ainsi garantir la transparence du financement de la vie politique par un contrôle systématique des ressources et des dépenses engagées. L’origine des recettes perçues et la nature des fonds utilisés doivent être retracées avec précision pour permettre un examen exhaustif par la commission compétente. La perception de dons de personnes physiques constitue un critère déclenchant qui rend le dépôt du compte obligatoire indépendamment du résultat électoral obtenu. Cette règle assure que chaque euro investi dans la compétition électorale puisse être vérifié afin d’éviter toute influence occulte ou financement illicite.

B. La constatation matérielle d’un dépôt tardif injustifié

Le compte de campagne doit être déposé au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin sous peine de sanction administrative. Le candidat a ici méconnu cette exigence temporelle en transmettant ses documents comptables près de trois mois après l’expiration du délai légal imparti. Le Conseil constitutionnel relève qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». L’absence totale d’observations produites par le candidat durant la procédure contentieuse renforce la constatation matérielle d’un manquement aux règles élémentaires de la discipline électorale. La juridiction refuse de considérer la négligence comme une excuse valable face à des dispositions impératives destinées à assurer la régularité du processus démocratique. Cette rigueur dans le constat du manquement matériel justifie l’application d’une sanction exemplaire par le juge constitutionnel.

II. La sanction du manquement aux règles de la probité électorale

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité du manquement

L’article L.O. 136-1 dispose qu’en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement », le Conseil constitutionnel peut déclarer le candidat inéligible. Le juge constitutionnel apprécie souverainement si le non-respect des délais de dépôt constitue une faute suffisamment sérieuse pour entraîner l’exclusion du jeu politique. Un retard de plusieurs mois est traditionnellement analysé comme une violation grave car il entrave l’exercice du contrôle par l’autorité administrative compétente. Le caractère systématique de cette qualification juridique permet de maintenir une égalité stricte entre tous les candidats devant les charges de la vie publique. La volonté de fraude n’est pas nécessaire pour retenir la particulière gravité lorsque l’omission est flagrante et dépourvue de toute justification sérieuse. La sévérité de cette qualification conduit alors le juge à prononcer une mesure d’inéligibilité dont il convient d’analyser la portée.

B. L’effectivité du prononcé d’une inéligibilité temporaire

Le Conseil constitutionnel décide de « prononcer l’inéligibilité […] à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette sanction proportionnée vise à sanctionner la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 tout en tenant compte de la nature du manquement. Le prononcé de l’inéligibilité assure la crédibilité du dispositif de contrôle financier et dissuade les futurs candidats de négliger leurs devoirs déclaratifs obligatoires. La portée de cette décision est individuelle mais elle rappelle avec force que la probité financière constitue une condition sine qua non de l’exercice démocratique. Le respect des délais de procédure est érigé en garantie fondamentale de l’ordre public électoral que le juge protège avec une constance jurisprudentielle remarquable.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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