Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6088 AN du 7 avril 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 avril 2023, une décision relative au contrôle des comptes de campagne pour les élections législatives de juin 2022. Un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés devait légalement déposer son compte de campagne avant le 19 août 2022 à dix-huit heures. Or, le document n’a été transmis à l’autorité administrative compétente que le 18 octobre 2022, soit précisément deux mois après l’échéance légale. Saisie par cette autorité, la juridiction constitutionnelle doit déterminer si ce retard constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction d’inéligibilité automatique. Le Conseil constitutionnel juge que le non-respect délibéré des délais, sans justification particulière, entraîne l’inéligibilité du candidat défaillant pour une durée d’une année. La solution retenue souligne l’importance du respect des procédures comptables pour garantir l’équité du scrutin et la transparence du financement de la vie politique.

I. La sanction d’une méconnaissance caractérisée des obligations comptables

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats une rigueur chronologique stricte pour le dépôt de leurs comptes sous peine de sanctions électorales.

A. L’exigence impérative du respect des délais de dépôt

Le juge rappelle que le compte doit être déposé au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin devant l’autorité nationale. La jurisprudence considère traditionnellement que le respect de ce délai constitue une formalité substantielle nécessaire au bon fonctionnement du contrôle administratif des dépenses électorales. En l’espèce, le candidat a déposé son compte le 18 octobre 2022, dépassant largement le terme expiré depuis le mois d’août de la même année.

B. L’appréciation souveraine de la gravité du manquement

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Le Conseil constitutionnel souligne ici que le dépôt tardif, intervenant plusieurs mois après l’échéance légale, revêt une gravité évidente privant l’autorité de sa mission. Cette qualification juridique permet d’écarter la simple erreur matérielle au profit d’une négligence fautive dont les conséquences pèsent directement sur la validité du mandat.

II. La rigueur du contrôle de la transparence financière électorale

La décision s’inscrit dans une politique jurisprudentielle ferme visant à assainir les pratiques de financement et à assurer l’égalité réelle entre tous les prétendants.

A. Une sévérité justifiée par l’absence de circonstances atténuantes

Les magistrats notent qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » de dépôt. L’absence de réponse ou d’observations de la part de l’intéressé durant l’instruction renforce la conviction du juge quant au caractère inexcusable de l’omission. La sévérité de la sanction est ainsi proportionnée à l’inertie du candidat qui n’a pas su démontrer l’existence d’un cas de force majeure.

B. La portée préventive de la déclaration d’inéligibilité

En prononçant une inéligibilité d’un an, le Conseil constitutionnel envoie un signal fort aux futurs compétiteurs sur la nécessité d’une gestion comptable rigoureuse. Cette mesure de police électorale garantit que seuls les citoyens respectant les règles fondamentales du financement public pourront solliciter à nouveau les suffrages des électeurs. La décision confirme ainsi la fonction stabilisatrice du juge constitutionnel qui veille à la probité des élus par une application stricte de la loi organique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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