Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6091 AN du 22 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 juin 2023, une décision relative au contentieux électoral des élections législatives tenues en juin 2022. La juridiction traite la question du rejet d’un compte de campagne suite à l’absence d’ouverture d’un compte bancaire dédié par le mandataire financier. Un candidat s’est présenté aux suffrages lors du scrutin des 12 et 19 juin 2022 dans la dixième circonscription des Yvelines. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte du candidat par une décision du 16 janvier 2023. Elle a ensuite saisi le Conseil constitutionnel le 31 janvier 2023 afin qu’il statue sur une éventuelle inéligibilité en application du code électoral. Le candidat fait valoir des difficultés insurmontables pour ouvrir un compte et l’absence d’opérations financières réelles en raison de la prise en charge par son parti. Le juge constitutionnel doit déterminer si l’absence de compte bancaire spécifique constitue un manquement justifiant l’inéligibilité alors même que les dépenses seraient nulles. Le Conseil confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en raison de la carence caractérisée du candidat dans ses diligences. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la rigueur de l’obligation de compte bancaire avant d’envisager les conditions de la sanction d’inéligibilité.

I. La confirmation du rejet du compte de campagne pour méconnaissance des formalités substantielles

A. L’exigence impérative d’un compte bancaire unique pour le mandataire financier

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire ou postal unique pour retracer la totalité des opérations financières. Cette formalité est considérée comme substantielle pour assurer la transparence du financement électoral et permettre un contrôle efficace par la commission nationale compétente. Le Conseil constitutionnel souligne que « le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions » législatives susvisées. Cette absence de compte constitue une irrégularité majeure qui vicie l’ensemble de la procédure de présentation des dépenses et des recettes du candidat. Le juge constitutionnel estime par conséquent que « c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ».

B. L’indifférence du mode de prise en charge des dépenses électorales

Le candidat tentait d’exciper de ce que son organisation politique avait assumé la totalité des frais engagés durant la période électorale de référence. Il en déduisait que l’absence de compte bancaire était sans conséquence pratique puisque le compte n’aurait retracé aucune opération financière réelle. Le Conseil constitutionnel rejette fermement cette argumentation en affirmant que cette « circonstance est sans incidence sur l’appréciation du manquement à l’obligation résultant de l’article L. 52-6 ». Le respect de la procédure d’ouverture d’un compte bancaire s’impose indépendamment du volume ou de la provenance des fonds utilisés pour la campagne. La méconnaissance de cette règle formelle entraîne automatiquement le rejet du compte sans que le juge n’ait à apprécier l’équilibre financier global.

II. Le prononcé de l’inéligibilité fondé sur l’absence de diligence du candidat

A. Le contrôle rigoureux de la diligence dans les démarches bancaires

Pour écarter la sanction d’inéligibilité, le candidat invoquait des obstacles administratifs ayant empêché l’ouverture du compte bancaire nécessaire auprès des établissements sollicités. Le juge constitutionnel exerce un contrôle minutieux sur la réalité et la chronologie des démarches effectuées par le mandataire financier durant la campagne. Il relève que l’établissement bancaire n’a été sollicité que tardivement, le 10 juin 2022, soit seulement deux jours avant le premier tour. Le refus d’ouverture est ainsi « imputable à un manque de diligence à fournir les documents qui étaient exigés par l’établissement bancaire » sollicité initialement. Le candidat ne démontre pas avoir accompli « toutes les diligences nécessaires auprès des établissements bancaires désignés par la Banque de France » après les refus successifs.

B. La sanction proportionnée d’un manquement aux règles de financement

L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible un candidat en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement de la vie politique. Le Conseil constitutionnel juge ici que la négligence répétée dans les démarches bancaires caractérise une volonté de s’affranchir des obligations légales de transparence. Cette faute justifie le prononcé d’une mesure d’inéligibilité pour une durée d’un an à compter de la date de la décision juridictionnelle. La sanction intervient malgré les explications du candidat, soulignant ainsi le caractère impérieux du respect scrupuleux des procédures de contrôle des comptes. Cette décision renforce la protection de l’égalité entre les candidats par une application stricte des règles relatives aux instruments de traçabilité financière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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