Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 17 mai 2023, s’est prononcé sur les conséquences juridiques du défaut de dépôt d’un compte de campagne. Un candidat aux élections législatives de juin 2022 a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés sans toutefois restituer ses carnets de reçus-dons. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 2 février 2023, la juridiction constitutionnelle devait examiner la régularité de ce financement. Le candidat n’a produit aucun justificatif pour démontrer l’absence de perception effective de dons durant sa campagne électorale malgré la détention des carnets. La question posée au juge portait sur la qualification du manquement résultant de l’absence de dépôt du compte malgré la possession de moyens de collecte. Le Conseil constitutionnel décide que la non-restitution des carnets fait présumer la perception de dons, imposant ainsi l’obligation de déposer un compte de campagne certifié.
I. L’affirmation d’une présomption de financement soumise au dépôt du compte
A. La persistance de l’obligation comptable liée aux reçus-dons
L’article L. 52-12 du code électoral impose l’établissement d’un compte de campagne pour chaque candidat ayant bénéficié de dons de personnes physiques. Le juge précise que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette règle assure une surveillance rigoureuse des flux financiers, même pour les candidats ayant obtenu un score inférieur au seuil de 1 %. La détention de moyens légaux de collecte de fonds crée une obligation de transparence qui ne s’efface pas devant la faiblesse des résultats électoraux.
B. Le mécanisme de la preuve contraire face à la présomption de perception
La présomption établie par la jurisprudence peut être combattue par tous moyens par l’intéressé afin d’écarter l’obligation de dépôt du compte de campagne. Le candidat n’a produit aucun élément probant de nature à renverser cette présomption de financement au cours de l’instruction devant le Conseil constitutionnel. Le juge relève l’absence de circonstances particulières de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 du code électoral. La charge de la preuve incombe ainsi au candidat dès lors qu’il a disposé des instruments juridiques nécessaires à la collecte de fonds.
II. La sanction d’un manquement d’une particulière gravité aux règles électorales
A. L’appréciation souveraine de la gravité du défaut de dépôt
L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt prescrites par le code électoral. Le Conseil constitutionnel qualifie le manquement constaté en l’espèce de « manquement d’une particulière gravité » au regard des règles de financement des campagnes électorales. Cette qualification juridique autorise le prononcé d’une sanction électorale lourde pour garantir la sincérité du scrutin et l’égalité de traitement entre les candidats. Le défaut de dépôt constitue une entrave majeure au contrôle exercé par la commission spécialisée sur l’origine et l’utilisation des fonds.
B. Une inéligibilité proportionnée aux exigences de transparence financière
Le dispositif de la décision prononce l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Cette mesure de police électorale sanctionne la négligence manifeste du candidat dans le suivi de ses obligations comptables et la gestion des documents officiels. La durée de la sanction reflète la volonté du juge constitutionnel de préserver l’intégrité du processus électoral face aux manquements financiers les plus graves. Le droit positif réaffirme ici que le respect des délais et des formes de présentation des comptes demeure une condition impérative du jeu démocratique.