Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6105 AN du 19 mai 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 17 mai 2023, s’est prononcé sur le rejet du compte de campagne d’un candidat aux élections législatives de juin 2022. À la suite du scrutin, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l’absence d’ouverture d’un compte bancaire spécifique. Le mandataire financier désigné par le candidat n’avait effectivement procédé à aucune opération bancaire conformément aux prescriptions légales applicables à la période électorale. Saisie par la commission le 3 février 2023, la juridiction constitutionnelle devait déterminer si ce défaut de diligence justifiait le rejet définitif du compte de campagne. Le candidat invoquait pour sa défense des refus d’ouverture opposés par plusieurs établissements de crédit sans toutefois produire de justificatifs probants devant le juge. Cette décision interroge la rigueur des formalités bancaires et les conséquences juridiques d’un manquement grave aux règles de transparence financière. Le juge confirme le rejet du compte avant de prononcer une peine d’inéligibilité proportionnée à la méconnaissance des obligations déclaratives. L’analyse portera d’abord sur l’exigence d’un compte bancaire unique pour le financement électoral, puis sur la sanction d’inéligibilité résultant de la gravité du manquement.

I. L’exigence impérative d’un compte bancaire unique pour le financement électoral

A. Le caractère substantiel de l’obligation de traçabilité financière

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle constitue un pilier de la transparence puisqu’elle permet de centraliser l’ensemble des recettes et des dépenses engagées pour le scrutin. Le compte doit préciser que le titulaire agit exclusivement en qualité de mandataire du candidat pour garantir l’étanchéité des fonds utilisés. En l’espèce, l’absence totale de compte bancaire empêche tout contrôle effectif de la sincérité des opérations réalisées par le candidat durant la campagne. Le respect de cette formalité ne saurait être considéré comme une simple modalité technique mais bien comme une condition de validité du compte.

B. La charge de la preuve pesant sur le candidat défaillant

Le candidat tentait de justifier son manquement par les obstacles rencontrés auprès des établissements bancaires sollicités durant sa campagne électorale. Le Conseil constitutionnel relève toutefois qu’il « n’a apporté aucun élément de nature à établir ces allégations » relatives aux refus d’ouverture de compte. Le droit au compte permet pourtant de solliciter l’intervention de la Banque de France en cas de réponses négatives persistantes des banques privées. Faute de produire les preuves de ces démarches, le candidat ne peut se prévaloir d’une force majeure ou d’un obstacle insurmontable. La négligence du candidat dans l’administration de la preuve conforte ainsi la décision de rejet initialement prise par l’autorité administrative de contrôle.

II. La sanction d’inéligibilité face à un manquement d’une particulière gravité

A. La confirmation du rejet du compte de campagne par le juge

La décision souligne que le compte doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées ». Le défaut de compte bancaire unique vicie l’ensemble de la procédure comptable et rend impossible la vérification des plafonds de dépenses autorisés. Le Conseil constitutionnel affirme que « c’est à bon droit » que la commission a rejeté le compte de campagne du candidat concerné par la saisine. Ce rejet automatique découle directement de la violation des dispositions fondamentales du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral. La rigueur du juge électoral assure ici l’égalité des armes entre les différents compétiteurs politiques soumis aux mêmes contraintes budgétaires.

B. L’appréciation souveraine de l’inéligibilité pour manquement grave

L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le juge considère ici que l’omission constatée présente un caractère de gravité suffisant pour justifier une mesure d’exclusion temporaire de la vie politique. Cette sanction est fixée pour une durée d’un an à compter de la décision, marquant ainsi une volonté de fermeté exemplaire. L’absence de volonté de fraude manifeste ne dispense pas le candidat de ses obligations de vigilance minimales lors de l’établissement de son budget. Cette jurisprudence réaffirme que la méconnaissance des règles comptables fondamentales prive le candidat de la possibilité de briguer un nouveau mandat législatif.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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