Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6108 AN du 26 mai 2023

Par une décision en date du 26 mai 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences du non-dépôt d’un compte de campagne par un candidat à une élection législative. En l’espèce, un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés lors du premier tour du scrutin qui s’est déroulé les 12 et 19 juin 2022 n’avait pas déposé son compte de campagne dans le délai prescrit par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir constaté ce manquement, a saisi le juge électoral sur le fondement de l’article L. 52-15 du code électoral. Bien que régulièrement informé de la procédure engagée à son encontre, l’intéressé n’a produit aucune observation pour justifier sa situation. Il appartenait donc au Conseil constitutionnel de déterminer si l’omission de cette formalité substantielle constituait un manquement d’une particulière gravité, au sens de l’article L.O. 136-1 du code électoral, susceptible d’entraîner le prononcé d’une peine d’inéligibilité. En réponse, le juge a déclaré le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans, estimant que le défaut de dépôt du compte, en l’absence de toute justification, revêtait un tel caractère de gravité. Cette décision illustre la rigueur avec laquelle le juge électoral sanctionne les manquements aux obligations de transparence financière (I), une sévérité qui vise à garantir la sincérité du débat démocratique (II).

I. Une sanction rigoureuse face à un manquement caractérisé aux obligations électorales

Le Conseil constitutionnel procède à une application stricte des textes régissant le financement des campagnes électorales, en constatant d’abord objectivement le manquement à l’obligation de dépôt (A), pour ensuite en déduire une sanction d’inéligibilité justifiée par la gravité de la faute (B).

A. La constatation objective du non-respect d’une obligation légale

En vertu de l’article L. 52-12 du code électoral, l’obligation d’établir un compte de campagne s’impose à tout candidat ayant recueilli au moins 1 % des suffrages exprimés. Cette exigence constitue une pierre angulaire du dispositif de contrôle du financement de la vie politique, visant à assurer la transparence et l’égalité entre les candidats. Dans la présente affaire, le Conseil constitutionnel se borne à un constat factuel et objectif : le candidat remplissait les conditions d’assujettissement à cette obligation mais, à l’expiration du délai légal, « il n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu ». Le manquement est donc matériellement constitué par la simple absence de dépôt, sans qu’il soit nécessaire à ce stade d’examiner les intentions du candidat ou les détails de sa campagne. La seule défaillance dans l’accomplissement de cette formalité suffit à déclencher la compétence du juge électoral.

B. L’absence de circonstances atténuantes et la qualification de particulière gravité

Si le constat du manquement est objectif, le prononcé de la sanction d’inéligibilité prévue à l’article L.O. 136-1 du code électoral suppose une appréciation de sa gravité. Le Conseil constitutionnel recherche systématiquement si des éléments factuels pourraient excuser ou atténuer la faute commise. Or, en l’espèce, il relève qu’« il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». L’absence de toute explication ou justification de la part du candidat, qui est resté silencieux tout au long de la procédure, a été déterminante. C’est cette absence totale de diligence et de coopération qui conduit le juge à qualifier le manquement de « particulière gravité », permettant ainsi le prononcé de la sanction. La décision confirme que le défaut de dépôt n’est pas une simple négligence administrative, mais une violation substantielle des règles du jeu démocratique.

En appliquant ainsi la sanction prévue par la loi organique, le Conseil constitutionnel ne se contente pas de punir un manquement formel ; il réaffirme le rôle essentiel de la transparence financière dans le processus électoral.

II. La portée de la décision : le rappel de l’exigence de transparence financière

Cette sanction, au-delà du cas d’espèce, a une valeur pédagogique certaine (A) et réaffirme que la transparence des comptes est une condition indispensable à la sincérité du scrutin (B).

A. La valeur pédagogique d’une sanction dissuasive

En prononçant une peine d’inéligibilité de trois ans, soit la durée maximale encourue pour ce type de manquement, le Conseil constitutionnel adresse un message clair à l’ensemble des candidats et des acteurs politiques. La sévérité de la sanction est à la mesure de l’importance de l’obligation transgressée. Elle a une portée dissuasive, rappelant que les règles de financement électoral ne sont pas optionnelles et que leur violation expose leurs auteurs à une mise à l’écart temporaire de la vie publique. Cette jurisprudence constante vise à responsabiliser les candidats en les incitant à une gestion rigoureuse et transparente des fonds engagés pour leur campagne. La décision contribue ainsi à renforcer la confiance des citoyens dans le processus électoral, en montrant que le manquement aux devoirs de probité est effectivement et lourdement sanctionné.

B. La protection de la sincérité du scrutin comme finalité de la règle

La solution retenue par le Conseil constitutionnel rappelle la finalité profonde des règles de financement politique. Le dépôt d’un compte de campagne ne vise pas seulement à contrôler le respect des plafonds de dépenses, mais également à garantir la traçabilité de l’origine des fonds et la nature des dépenses. Cette transparence permet à l’électeur de s’assurer de l’indépendance des candidats et de l’égalité des chances entre eux. En sanctionnant le défaut de dépôt, le juge protège la sincérité même du vote. Le refus de se soumettre au contrôle financier est analysé comme une rupture du pacte de confiance qui lie le candidat à ses électeurs. La décision réaffirme que la présentation des comptes n’est pas une contrainte administrative accessoire, mais bien une condition substantielle à la validité de la participation à la compétition électorale.

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Hassan KOHEN
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