Le Conseil constitutionnel, par une décision du 26 mai 2023, s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt du compte de campagne par un candidat législatif. Cette espèce interroge la rigueur des obligations comptables imposées aux acteurs de la vie démocratique ainsi que la sévérité des sanctions encourues. Un candidat aux élections législatives des 12 et 19 juin 2022 a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône. Bien qu’assujetti au plafonnement des dépenses, l’intéressé n’a pas déposé son compte de campagne auprès de l’autorité compétente dans le délai légal imparti.
Saisie par la commission nationale compétente le 3 février 2023, la juridiction constitutionnelle a examiné ce manquement manifeste au droit électoral positif. Le candidat, malgré la communication de la saisine, n’a produit aucune observation pour justifier son inaction prolongée durant la phase d’instruction. La question posée au juge électoral consistait à déterminer si l’absence de dépôt d’un compte de campagne, sans justification particulière, justifiait une déclaration d’inéligibilité.
Le Conseil constitutionnel répond par l’affirmative en soulignant que le candidat n’a pas respecté ses obligations alors qu’il y était légalement tenu. Il énonce qu’en l’absence de circonstances particulières, ce manquement présente une gravité suffisante pour prononcer une inéligibilité de trois ans à tout mandat. L’étude de la décision révèle l’importance de la transparence comptable avant d’analyser la portée de la sanction prononcée par les juges.
I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de financement électoral
A. L’impératif de transparence comptable sous le contrôle du juge
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat obtenant au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne complet et équilibré. Le juge rappelle que ce document « retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette obligation permet de vérifier le respect des plafonds et l’origine des fonds afin de garantir une compétition électorale loyale entre les candidats. Le dépôt doit intervenir « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » pour permettre un contrôle efficace.
B. L’absence de justification comme indice d’une particulière gravité
Le Conseil constate que le candidat « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » malgré le dépassement du seuil de suffrages. L’instruction n’a révélé aucune circonstance particulière de nature à justifier cette méconnaissance des obligations résultant des dispositions législatives en vigueur. En l’absence d’explications de la part du requérant, le juge qualifie souverainement l’omission de « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Cette sévérité textuelle vise à prévenir toute tentative d’occultation des flux financiers réels ayant servi à influencer le vote des électeurs.
II. La sanction d’inéligibilité comme instrument de moralisation de la vie publique
A. Une répression graduée fondée sur les dispositions organiques du code
Le Conseil constitutionnel dispose du pouvoir de déclarer inéligible le candidat qui ne respecte pas les conditions et délais prescrits pour son compte. La décision précise qu’il y a lieu de prononcer cette sanction pour une durée de trois ans à compter de la date du délibéré. Cette durée correspond à la gravité du manquement constaté tout en restant proportionnée à l’objectif de préservation de la probité des futurs scrutins. Le juge électoral assure ainsi une fonction de régulateur indispensable pour maintenir la confiance des citoyens envers les institutions représentatives de la République.
B. La portée dissuasive de la jurisprudence constitutionnelle en matière financière
Cette décision confirme la jurisprudence constante du juge constitutionnel traitant avec une rigueur extrême le défaut total de présentation des documents comptables requis. En privant le candidat du droit de se présenter à tout mandat, la juridiction souligne que la transparence financière n’est pas une simple formalité. La solution retenue rappelle aux futurs acteurs politiques que le respect des règles de financement est une condition préalable et impérative à l’exercice électoral. Cette fermeté contribue à assainir les pratiques publiques en écartant durablement ceux qui s’affranchissent des mécanismes de contrôle de la démocratie.