Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6114 AN du 19 mai 2023

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 17 mai 2023, rappelle la portée contraignante des règles relatives au financement des campagnes électorales pour les députés. Un candidat aux élections législatives de juin 2022, ayant franchi le seuil de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé son compte de campagne. L’intéressé justifie cette omission par la non-réception d’un courrier de relance administratif et produit tardivement les documents comptables devant le juge électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi la Haute juridiction afin qu’elle statue sur l’éligibilité du candidat négligent. Le juge doit déterminer si le non-respect du délai légal de dépôt constitue un manquement justifiant le prononcé d’une mesure d’inéligibilité pour l’avenir. Le Conseil constitutionnel considère que le défaut de dépôt dans les délais prescrits caractérise une faute grave que les explications du candidat ne permettent pas d’écarter. L’étude de cette solution impose d’examiner la rigueur temporelle du dépôt des comptes avant d’analyser la caractérisation du manquement grave justifiant l’inéligibilité.

I. La rigueur impérative du calendrier de dépôt des comptes

A. Le caractère d’ordre public des délais légaux

Le code électoral impose à chaque candidat d’établir un document comptable retraçant l’intégralité des flux financiers engagés ou perçus durant la période électorale. Le Conseil constitutionnel souligne que ce « compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Cette exigence assure la transparence financière de la vie politique française tout en garantissant une égalité stricte entre tous les candidats au scrutin national. La Haute juridiction rappelle que le compte doit être déposé à la Commission nationale au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Cette borne temporelle est absolue afin de permettre un contrôle efficace et rapide de la régularité des financements utilisés par les différents compétiteurs. Le respect de ce formalisme garantit la sincérité du scrutin ainsi que la bonne administration de la preuve comptable par les experts de l’ordre.

B. L’indifférence des aléas de communication administrative

Le candidat soutient qu’il n’aurait pas reçu le courrier de relance expédié par l’autorité administrative chargée du contrôle des comptes de campagne des candidats. Le juge constitutionnel écarte fermement cet argument en précisant que ces « circonstances ne sont pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». La responsabilité du dépôt repose exclusivement sur le candidat qui doit s’informer des règles de droit positif applicables à sa situation électorale particulière. La production d’un compte de campagne au cours de la procédure contentieuse ne saurait régulariser une omission initiale commise lors de la phase administrative obligatoire. Une telle souplesse viderait de sa substance l’obligation de dépôt dans les délais en favorisant les comportements négligents ou les stratégies d’évitement comptable. Le formalisme rigoureux des dates de dépôt s’impose donc à tous sans que des difficultés matérielles de distribution postale ne puissent constituer une excuse.

II. La répression sévère d’un manquement d’une particulière gravité

A. La qualification juridique de l’omission de dépôt

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de sanctionner un candidat qui n’a pas déposé son compte dans les conditions et délais prescrits. Le Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer s’il existe une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». En l’espèce, l’absence totale de dépôt initial est assimilée à une faute majeure qui altère la capacité de contrôle de la puissance publique sur les fonds. Le juge estime que le non-respect délibéré ou négligent de cette formalité substantielle porte une atteinte directe aux principes fondamentaux de la probité électorale républicaine. La simple production tardive des pièces justificatives ne suffit pas à atténuer la sévérité du constat opéré par les sages de la rue de Montpensier. La qualification de manquement grave est ainsi retenue dès lors que le candidat a failli à son devoir élémentaire de transparence envers les citoyens.

B. La proportionnalité de la sanction d’inéligibilité

La méconnaissance des obligations comptables entraîne le prononcé d’une inéligibilité dont la durée est fixée par le juge en fonction de l’importance des faits reprochés. Le Conseil constitutionnel décide de déclarer le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date du délibéré. Cette sanction exemplaire traduit la volonté de protéger l’intégrité des fonctions électives contre des pratiques contraires aux exigences de moralisation de la vie publique nationale. La décision est notifiée au candidat et publiée au Journal officiel afin d’assurer l’information des tiers et des autorités préfectorales compétentes pour les prochains scrutins. Le juge électoral confirme ainsi sa jurisprudence constante visant à exclure temporairement de la scène politique ceux qui s’affranchissent des règles financières de la démocratie. La sévérité du délai d’inéligibilité rappelle que le financement des campagnes électorales ne saurait faire l’objet d’aucune approximation de la part des prétendants au suffrage.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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