Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6128 AN du 30 juin 2023

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 30 juin 2023, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’un candidat aux élections législatives. À l’occasion du scrutin organisé dans le département du Rhône en juin 2022, un candidat a sollicité un prêt auprès d’une association locale. Ce financement, intervenu en février 2022 pour un montant de deux mille euros, a attiré l’attention de l’autorité de contrôle des comptes de campagne. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte du candidat par une décision du 25 janvier 2023. Elle a saisi le juge électoral car l’organisme prêteur ne respectait pas les exigences légales requises pour financer une campagne électorale. Le candidat conteste cette analyse en invoquant la nature politique de l’association concernée et sa régularisation ultérieure au regard des textes. La question posée au Conseil porte sur les conditions dans lesquelles une personne morale de droit privé peut être qualifiée de parti politique. Le juge doit déterminer si le respect des obligations de transparence financière s’apprécie au moment précis de l’octroi du financement litigieux. Les sages confirment le rejet du compte en soulignant qu’une association doit s’être préalablement soumise aux règles de la loi du 11 mars 1988. Le Conseil constitutionnel juge que le candidat a bénéficié d’un avantage prohibé et prononce son inéligibilité pour une durée d’un an. Cette décision permet d’étudier d’abord la définition rigoureuse des groupements politiques autorisés avant d’analyser la sévérité de la sanction attachée au financement illicite.

**I. La définition rigoureuse des groupements politiques autorisés**

**A. L’exigence du respect préalable de la transparence financière**

Le Conseil rappelle que les personnes morales ne peuvent participer au financement d’une campagne, sauf s’il s’agit de partis ou groupements politiques. Une structure privée à but politique ne reçoit cette qualification que si elle se soumet aux obligations prévues par la loi du 11 mars 1988. Cette législation impose notamment de recueillir des fonds exclusivement par l’intermédiaire d’un mandataire financier désigné selon des modalités précises et strictes. Le juge constitutionnel affirme qu’une entité doit s’être « soumise aux règles, fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi » pour agir. Cette interprétation garantit que seuls les groupements transparents et contrôlés peuvent soutenir financièrement un candidat lors d’une élection au suffrage universel. Le texte protège ainsi l’égalité entre les candidats en empêchant des interventions opaques de structures privées non déclarées comme partis politiques officiels.

**B. L’indifférence d’une régularisation postérieure au financement**

Le candidat arguait que l’association s’était conformée aux règles de financement des partis politiques après avoir consenti le prêt de deux mille euros. Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en précisant que la qualité de groupement politique s’apprécie souverainement à la date de l’opération. L’arrêt souligne que la circonstance que l’association s’est par la suite soumise à ces règles est « sans incidence sur l’appréciation de sa qualité ». Cette approche temporelle stricte empêche les candidats de contourner les interdictions de financement par des personnes morales via des régularisations opportunistes après coup. La sécurité juridique impose que la légalité d’un don ou d’un prêt soit établie au moment où le candidat accepte le soutien financier. Cette rigueur assure l’efficacité du contrôle exercé par la commission compétente et maintient l’intégrité du processus électoral dès l’ouverture de la campagne.

**II. La sanction systématique du manquement aux règles de financement**

**A. Le constat d’un avantage prohibé entraînant le rejet du compte**

Dès lors que l’association prêteuse n’avait pas le statut de parti politique, le prêt constitue un avantage indirect interdit par le code électoral. L’article L. 52-8 prohibe toute participation des personnes morales au financement électoral, sous peine de rejet immédiat du compte de campagne du candidat. Le juge relève que le bénéficiaire a reçu « de la part d’une personne morale, d’un avantage prohibé » en raison de la nature du prêteur. Le montant de deux mille euros, bien que modeste, justifie la décision de la Commission nationale car il altère la sincérité du financement. La jurisprudence constitutionnelle maintient ici une ligne classique où la violation des interdictions de fond prime sur le montant absolu des sommes en cause. Le rejet du compte apparaît comme la conséquence logique et nécessaire du non-respect des dispositions d’ordre public relatives à l’argent en politique.

**B. La proportionnalité de l’inéligibilité prononcée par le juge**

Le manquement aux règles de financement peut entraîner l’inéligibilité du candidat si le juge constate une fraude ou une faute d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel fait usage de l’article L.O. 136-1 pour écarter le candidat de la vie publique pendant une période d’un an. Cette mesure sanctionne la méconnaissance des règles fondamentales de transparence, même en l’absence de volonté frauduleuse manifestement démontrée par des manœuvres complexes. Le juge estime qu’au regard de la nature de l’avantage, il convient de « prononcer l’inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an ». Cette sanction renforce le caractère dissuasif de la législation électorale et rappelle l’exigence de vigilance qui pèse sur chaque prétendant à une fonction élective. La décision confirme la volonté du juge électoral de protéger la vie politique contre toute influence indue émanant de structures privées non réglementées.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture