Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 juin 2023, une décision relative au contentieux des élections législatives organisées en juin 2022 dans une circonscription du Rhône. Un candidat avait bénéficié d’un prêt de deux mille euros consenti par une association locale pour le financement de sa propagande électorale. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte au motif que le prêteur n’avait pas la qualité de parti. Le candidat contestait cette appréciation en faisant valoir le but politique de la structure et une régularisation intervenue après l’octroi des fonds litigieux. La question posée aux juges portait sur les critères cumulatifs permettant à une personne morale de droit privé d’être qualifiée de groupement politique. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée d’un an en application du code électoral.
I. La qualification restrictive de groupement politique au sens du code électoral
A. L’exigence d’un assujettissement préalable aux règles de transparence financière
Le Conseil rappelle qu’une personne morale de droit privé avec un but politique n’est un groupement politique que si elle respecte la loi du 11 mars 1988. Elle doit s’être « soumise aux règles, fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi » imposant notamment un mandataire financier dédié. Cette condition stricte garantit la traçabilité des fonds circulant durant la période électorale pour prévenir toute immixtion occulte de puissances financières privées. L’absence de déclaration préalable prive l’organisme de sa capacité à financer légalement une campagne électorale sous forme de prêt ou de don. Cette exigence de transparence interdit toute interprétation souple de la notion de parti politique afin de protéger l’égalité entre les différents candidats.
B. L’indifférence d’une régularisation postérieure à l’avantage consenti
Le juge écarte l’argument fondé sur une soumission ultérieure de l’association aux règles de financement des partis politiques pour valider l’opération initiale. Il affirme que « la circonstance que cette association s’est par la suite soumise à ces règles est sans incidence sur l’appréciation de sa qualité ». La régularité du financement s’apprécie souverainement à la date précise où l’avantage est consenti par la personne morale au profit du candidat. Cette solution assure une sécurité juridique indispensable en imposant une vérification immédiate de la qualité du contributeur avant toute acceptation de fonds. Le manquement est ainsi irrémédiablement constitué dès lors que les conditions légales n’étaient pas réunies au moment du versement.
II. Les sanctions d’un financement par une personne morale prohibée
A. Le rejet justifié du compte de campagne pour avantage illicite
Le non-respect de l’interdiction de financement par une personne morale autre qu’un parti politique entraîne systématiquement le rejet des comptes de campagne présentés. Le candidat est alors « regardé comme ayant bénéficié, de la part d’une personne morale, d’un avantage prohibé par l’article L. 52-8 du code électoral ». La Commission nationale des comptes de campagne a donc légitimement refusé de valider les dépenses électorales en raison de la nature irrégulière du prêt. Cette rigueur manifeste la volonté du législateur d’exclure tout financement d’entreprises ou d’associations non contrôlées du processus électoral démocratique national. L’absence de caractère remboursable ou la faiblesse du montant ne suffisent pas à écarter la qualification d’avantage prohibé par le juge électoral.
B. La déclaration d’inéligibilité proportionnée au manquement constaté
Le manquement aux règles de financement peut entraîner une déclaration d’inéligibilité si le juge relève un manquement d’une particulière gravité aux règles électorales. En l’espèce, le Conseil constitutionnel décide de « prononcer l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». La juridiction apprécie souverainement la gravité de l’irrégularité au regard du montant de l’avantage et de la qualité de la personne morale. Cette sanction finale illustre la sévérité du juge électoral face aux entorses aux principes fondamentaux de la transparence financière de la vie politique. Elle rappelle que le respect des règles de financement constitue une condition impérative pour accéder aux fonctions électives dans une démocratie.